La nouvelle réglementation sur les pesticides soulève bien des passions, notamment le rôle des agronomes et autres professionnels. Dans ce débat l’on pointe assez rapidement du doigt les professionnels qui travaillent pour les fournisseurs d’intrants. On les accuse d’être en conflit d’intérêts et de pousser la vente de pesticides inutiles ou en trop grande quantité.
Attention à la pensée magique !
La solution miracle semble être de séparer la recommandation (prescription) de la vente, cela permettra, semble-t-il, d’écarter les gros méchants qui vendent trop de pesticides. Malheureusement cette pensée magique risque de nous amener à l’inverse, une perte d’expertise précieuse et l’émergence de pratique douteuse qui risquent d’être plus opaques et moins contrôlables.
Je suis moi-même un professionnel qui travaille depuis longtemps pour un fournisseur d’intrants. Mes recommandations sont accompagnées de la vente de produits, dont je suggère l’utilisation et le dosage. Afin de combler un besoin, j’estime que je suis la personne la mieux placée pour expliquer mon produit et expliquer comment il doit être utilisé.
C’est ma compagnie qui a conçu le produit, j’estime donc que je suis la personne la plus compétente pour en parler. D’ailleurs la connaissance de mes produits a permis à mes clients un meilleur choix de produits, une meilleure utilisation, évitant des surdoses ou des usages inutiles.
Le professionnel à son compte n’est pas nécessairement plus neutre
C’est un faux débat de penser qu’un professionnel à son compte fait une recommandation plus neutre qu’un professionnel qui travaille pour la compagnie qui vend le produit. De penser qu’en séparant la vente du conseil on va éviter les conflits d’intérêts, c’est utopique.
La commission Charbonneau nous l’a bien démontré, des professionnels pourtant indépendants ont mis en place des stratagèmes de corruptions et de fraude.
Tout est question d’éthique!
C’est une question d’éthique, que l’on travaille pour un fournisseur ou comme indépendant l’éthique reste la même. Une des premières règles en éthique est de bien s’identifier. Lorsque je me présente, je dis qui me paye, qui je représente. Le client est alors en mesure de prendre les précautions nécessaires afin de valider mon travail. Malheureusement, on voit trop souvent des consultants qui s’affichent indépendants, mais qui dans les faits sont liés à une compagnie, c’est d’ailleurs assez à la mode.
La recherche peut aussi manquer d’éthique!
Le domaine de la recherche, pourtant libre de toute attache, est aussi touché par le manque d’éthique de certains de ses membres qui oublient de dévoiler leur lien. Le dénigrement de la valeur des conseils des professionnels travaillant pour des fournisseurs, laisse toute la place à ces conseillers malhonnêtes qui peuvent facilement mystifier et tromper leur clientèle en cachant leurs intérêts. Il est très difficile pour des organismes de contrôle de les identifier et de comprendre leur stratagème.
C’est comme affirmé qu’un conseiller engagé par un club n’est pas objectif en ce qui concerne l’environnement parce que c’est son client qui le paye et qu’il est complaisant dans ses recommandations, celui-ci aurait raison d’être offusqué et d’affirmer que c’est faux, tout comme les professionnels qui travaillent pour une firme d’intrants et qui se font accuser de favoriser leur compagnie au détriment de leurs clients.
Dans nos sociétés modernes et technologiques, l’éthique est un élément central dans l’exercice de nos professions. Nous ne pouvons pas nous passer de l’expertise de personne sous prétexte qu’il travaille pour un fournisseur. L’éthique, on l'apprend, ça se contrôle, ça ne vient pas automatiquement avec sa carte de visite. Il va falloir sortir de notre imaginaire l’image du bon docteur travaillant par vocation versus le vil commis voyageur motivé par le sale argent : Notre société a évolué.