La multiplication des projets d’augmentation de cheptels laitiers au Centre-du-Québec inquiète. Au point où deux projets d’agrandissement de grandes fermes dans le même village, à Saint-Albert, près de Warwick, devront faire l’objet d’une audience publique conjointe du BAPE.
La Ferme Landrynoise, est déjà la plus grosse de la province, avec 1400 vaches, tandis que la Ferme Lansi, avec 550 vaches, est parmi le top-5 au Québec. Ces deux entreprises souhaitent passer à un niveau supérieur.
Le projet le plus imposant est celui de la Ferme Landrynoise qui ferait passer son cheptel à 5 200 bêtes, dont 2 300 vaches laitières, 400 vaches taries et 2 500 veaux au cours des dix prochaines années. La réalisation du projet, qui s’échelonnerait de 2020 à 2030, nécessiterait des investissements entre 30 et 50 M$. Des travaux ont même déjà été réalisés pour augmenter, dans une première phase, le cheptel à 3490 bêtes, dont 1700 vaches laitières.
Carl Landry, l’un des propriétaires de la Ferme Landrynoise, a décliné la demande d’entrevue placée par La Vie Agricole par « manque de disponibilité ».
De l’autre côté du village, le projet d’agrandissement de la Ferme Lansi est également très ambitieux. Il ferait en sorte d’augmenter le troupeau de 570 à 2 670 unités animales d’ici 15 ans. C’est-à-dire 2 400 vaches laitières et 675 veaux. Un projet qui débuterait en 2021 et dont le coût est estimé à 66 M$.
« Dans mon esprit, c’est bien plus sur 40 ou même 50 ans », a indiqué la propriétaire de la Ferme Lansi, Sylvain Landry, en entrevue avec La Vie Agricole, précisant qu’actuellement, la disponibilité du quota ne permettrait pas de réaliser ses ambitions.
« On ne sait jamais, continue-t-il. Nous voulons avoir tous les permis nécessaires pour avoir la paix. Je le fais pour mes deux fils qui prennent la relève. Pour qu’ils soient corrects pour le reste de leur carrière. (…) Ça nous coûte 200 000 $ faire ce processus-là, alors tant qu’à le faire on va chercher le plus qu’on est capable. »
De nombreux enjeux
Bien que la performance des grandes fermes permette de produire plus de lait avec le même nombre de vaches et de réduire les gaz à effet de serre en diminuant le transport du lait, il existe quelques enjeux en raison de l’ampleur des projets. Ceux-ci sont liés notamment au bruit, aux odeurs et au transport. D’autant plus que les deux fermes sont situées à huit kilomètres l’une de l’autre.
C’est pourquoi la commission d’enquête qui a été réclamée à la suite des soirées d’informations qui se sont tenues au cours des derniers mois prévoit la tenue d’une seule audience. Puisqu’il existe de nombreux enjeux généraux similaires.
La première séance sera webdiffusée et aura lieu le 13 octobre, à 19 h. Elle servira à répondre aux questions qui ont été soulevées. Une deuxième partie débuterait le 10 novembre, à 19h, si des personnes souhaitent présenter leur mémoire ou exprimer leur opinion verbalement.
Le BAPE n’a pas voulu dévoiler les doléances et l’identité des requérants qui ont réclamé une audience publique, mais précise que les deux projets « soulèvent des enjeux majeurs, nombreux, diversifiés et de même nature ».
Lors des soirées de consultation, les questions du public concernant la Ferme Lansi traitaient surtout du bruit pour le voisinage et des moyens de le réduire. Ce à quoi les propriétaires avaient répondu qu’une haie végétale à croissance rapide, ainsi qu’une modification apportée au contrôle des ventilateurs devraient permettre de réduire les décibels, qui sont déjà à un seuil acceptable selon les normes gouvernementales.
Pour ce qui de la Ferme Landrynoise, des questions sur l’augmentation du transport et des vibrations occasionnées par le passage de plus de machineries lourdes ont été soulevées.
De nombreuses questions sont aussi revenues sur la possibilité de passer à la culture biologique. Ce qui n’est pas envisagé « pour le moment », ont précisé les propriétaires, qui réservent un certain volume de lait kasher pour la communauté juive. Puisqu’il faudrait plus de superficies de terres et que les travaux mécaniques supplémentaires entraîneraient une augmentation des gaz à effet de serre et du transport aux champs.
De façon plus générale, le fait qu’il y ait plus d’un projet d’agrandissement a poussé l’un des requérants à demander qu’une étude plus poussée soit réalisée. « Si, pris un à un, ces projets peuvent avoir des impacts acceptables, il serait important que les impacts de l’ensemble de ces projets soient évalués », indique-t-il, en référence à la multiplication des projets d’agrandissements de cheptels laitiers au Centre-du-Québec.
En effet, en plus des deux projets en cause, la Ferme Roulante, à Tingwick, a déjà fait l’objet d’un décret pour la première phase d’augmentation de son cheptel, en décembre 2018. La Ferme Drapeau et Bélanger, à Saint-Françoise, a aussi obtenu une décision favorable, en avril dernier. Tandis que le projet de la Ferme Sainte-Sophie, à Sainte-Sophie-de-Lévrard, est toujours en attente d’une décision.