L’empressement de l’Ordre des agronomes est dangereux!

L’indépendance professionnelle des agronomes est encore au centre des débats. Le discours d’ouverture de la présidente de l’Ordre des agronomes, Martine Giguère, au congrès annuel a suscité plusieurs réactions. À voir la réaction de l’Association Québécoise des agronomes en fourniture d’intrants (AQAFI), nouvellement formée et les commentaires de plusieurs collègues agronomes, cette dissociation entre vente d’intrants et conseil agronomique ne passe pas.

Plusieurs ont l’impression que l’Ordre des agronomes sous la pression populaire de quelques groupes militants veut sortir le conseil agronomique des compagnies d’intrants, qui sont perçues très négativement par ces mêmes groupes. Pourtant le conseil agronomique dispensé au sein de centaines de fournisseurs d’intrants a permis au cours des 50 dernières années une meilleure utilisation des intrants.

Voici l’extrait du discours qui a fait le plus réagir :

« Notre participation au projet nous a nécessairement conduits à revoir certaines pratiques, dont celle de la vente et du service-conseil en phytoprotection qui éclabousse la profession depuis les dernières années. Cette pratique tant décriée, parce que teintée par l’apparence de conflit d’intérêts, est le point de départ d’une longue réflexion et d’importants travaux sur l’indépendance professionnelle qui ont conduit l’Ordre à vous annoncer, ce matin, qu’il a reçu l’aval du conseil d’administration pour orienter ses travaux de manière à séparer la pratique de la vente et du conseil. Cette décision s’applique au champ de la phytoprotection, ainsi qu’à tous les autres champs de la pratique agronomique ».

Ce qui inquiète et qui est d’ailleurs inquiétant, c’est l’empressement et la volonté de l’ordre à agir dans un dossier qui de l’aveu même de la présidente est une situation TEINTÉE PAR L’APPARENCE DE CONFLIT D’INTÉRÊT, on est loin d’un conflit d’intérêt flagrant qui dans ce cas nécessiterait effectivement une intervention de l’Ordre. De plus il y a lieu de se questionner sur l’affirmation que d’importants travaux sur l’indépendance professionnelle ont été conduits. À part une consultation qui s’est transformée en un sondage téléphonique et à la rédaction d’un seul rapport dont les conclusions sont des plus discutables, il n’y a pas eu beaucoup d’autres réflexions sur la situation, surtout avec les premiers intéressés.

La vente d’intrants en agriculture est un domaine complexe, il faut connaitre la réglementation, bien connaitre les intrants et savoir bien les utiliser dans une ration alimentaire, dans un plan de fertilisation ou dans un plan de lutte contre des insectes ou des mauvaises herbes (la liste n’est pas exhaustive).

Au cours des cinquante dernières années ce sont des milliers d’agronomes travaillant pour des compagnies privées (selon l’AQAFI 46% des agronomes) qui ont pratiqué l’agronomie tous les jours.

Notre système de vulgarisation agricole, depuis le retrait du gouvernement dans les années 70 et 80 s’est fait en grande partie par des agronomes travaillant pour des fournisseurs d’intrants. La vente d’intrants et la pratique agronomique sont très imbriquées et complexes, l’Ordre des agronomes ne peut pas effacer d’un revers de la main cette pratique sans causer des dommages sérieux à notre agriculture.

Beaucoup de technologies en agriculture sont liées à des intrants, leur maitrise est complexe et nécessite l’intervention d’agronomes pour en faire la promotion et l’application.  L’empressement de l’Ordre à vouloir séparer la vente du conseil est inquiétante, il risque de nuire au déploiement de technologies existantes mais aussi des nouvelles.

Le débat politique sur les pesticides semble avoir pris le dessus sur tout. Avant de se lancer trop rapidement dans une réforme mur à mur, l’Ordre des agronomes devrait faire plus la lumière sur le dossier des pesticides, en dehors du brouhaha politique et populiste.

N’oublions pas que le domaine des pesticides est un des plus réglementés en agriculture, pourtant l’Ordre des agronomes s’est fait interpeller dans ce dossier. Il serait sage de ‘’régler’’ ce dossier avant de se lancer dans un vaste chantier qui va bouleverser l’ensemble de la vulgarisation agricole.

 

 

 

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