Pesticides: Les deux côtés de la médaille

Selon ce que Radio-Canada a publié ces jours-ci, l'utilisation de pesticides agricoles atteindrait des niveaux record au Québec. Le média a donc dénoncé une présence préoccupante de ces produits toxiques dans l'environnement. Thomas Gerbet, journaliste à Radio-Canada écrit dans son topo: “ Le gouvernement provincial réduit ses efforts budgétaires pour trouver des solutions de rechange plus écologiques, et ce sont les vendeurs de pesticides qui en profitent.“ Dans la foulée le ministre Paradis a semblé être pris les culottes à terre et ne pas maitriser le dossier face à l’animateur Pierre Arcand et à la fin de la journée, les compagnies et les agronomes sont passés pour des pollueurs invétérés. Est-ce vraiment la réalité ? Tient-on compte des superficies cultivées en maïs et soya et du rôle parfois bénéfique des OGM ?

Les méchantes compagnies et les méchants agronomes

Selon ce que rapporte Radio-Canada, on serait loin de la volonté du gouvernement de réduire de 25 % l'impact des pesticides sur l'environnement et sur la santé des Québécois. Leur reportage est étayé de commentaires de producteurs, emmitouflés dans des combinaisons dignes de cosmonautes, qui se disent inquiets pour leur santé suite à l’épandage de différents produits. L’Industrie selon les témoignages pousserait tous et chacun à être plus performant et donc à l’utilisation massive de ces produits néfastes pour l’environnement. Radio-Canada rappelle que les quantités de pesticides vendues aux agriculteurs ont augmenté de 27 % entre 2006 et 2012. L’un des produits vedette identifié dans le reportage est le Roundup, de la compagnie Monsanto, déclaré comme cancérigène probable chez l'humain, par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé l'an dernier.

Le ministre Paradis patine

Au ministère de l'Environnement on s’est dit préoccupé de la situation sans donner d’entrevue. Radio-Canada rappelle que le cabinet du ministre de l'Agriculture a aussi décliné leurs demandes d’entrevue et que ce n’est qu’au hasard d’une rencontre dans un couloir que le ministre Paradis leur a déclaré :  « Oui, on doit s'inquiéter, car le rapport est négatif et, tant que la tendance n'est pas inversée, on doit s'inquiéter ». Plus tard sur une radio, il a même dit que Monsanto était plus puissant que le gouvernement du Québec.

L’Union paysanne en profite pour entrer dans la danse

Pour L’Union paysanne, son président, Benoit Girouard et Maxime Laplante, agronome et vice-président de l'organisation se disent choqués par le reportage de Radio-Canada dévoilant que le Québec a perdu le contrôle sur la quantité de pesticides utilisés en milieu agricole: “Le reportage fait état d'un laxisme gouvernemental face à des moyens prodigieux de l'industrie chimique pour nous faire avaler leurs poisons. Les agriculteurs ne font pas le poids en l'absence de soutien et de valorisation. La solution, c’est la taxation des pesticides. Avec plus de 4 millions kilogrammes d'ingrédient actif utilisé en ce moment au Québec, quelques dollars par kilo permettraient facilement de récolter près de 30 millions de dollars annuellement. Nous invitons le ministre Paradis à ne pas perdre de temps en tables de concertations, qui ont déjà été faites, et de faire preuve d'audace!“ Et ils ajoutent : “Il y a des pesticides autorisés au Québec qui sont interdits ailleurs dans le monde. L'Atrazine, mais aussi près d'une dizaine d'autres molécules sont interdites en Europe, mais sont épandues sur nos champs québécois.“ Est-ce vraiment le cas ?

L’autre côté de la médaille

Si certains pesticides méritent certainement d’être interdits ou contrôlés quant à leur utilisation, cette charge de Radio-Canada et l’envolée de l’Union paysanne contre les compagnies d’herbicides et de pesticides tient-elle compte de tous les éléments? Il s’avère pourtant que de par les recherches effectuées au début du 21 ème siècle les pesticides utilisés aujourd’hui sont pour la plupart moins nuisibles que ceux utilisés il y a 15 ans.

Agronome, un métier éthique

Il faut aussi reconnaitre que le rôle joué par les agronomes auprès des producteurs se fait dans la cadre d’une profession qui est un encadrée  par un statut  établi par l’Ordre  des agronomes. Il est faux de penser qu’un agronome même s’il travaille pour une compagnie va vendre tout et n’importe quoi ! Pourquoi l’agronome ne serait pas aussi attaché à l’éthique de sa profession qu’un pharmacien  peut l’être à la sienne ?

Toujours plus d’hectares cultivés pour deux grandes cultures: maïs et soya

Quand Radio-Canada dit : “ Les ventes n'ont jamais été aussi élevées, alors que les surfaces cultivées, elles, diminuent légèrement. Sur chaque hectare (10 000 mètres carrés) de culture, on épand aujourd'hui plus de 2 kg d'ingrédients actifs.“, est-ce la bonne analyse de la situation ? Si les surfaces cultivées diminuent, comme la production s'amplifie cela justifie donc l'utilisation d'un plus grand volume de pesticides.

Selon nos sources, on a cultivé en 2012 au Québec 3.500.000 tonnes de maïs alors qu’on en cultivait seulement 2.700.000 de tonnes en 2006. C’est 30 % d’augmentation. Cela justifie peut-être en partie une augmentation du volume de pesticides vendu. Le soya quant à lui a été  produit à hauteur de 850 000 tonnes en 2012 contre 525.000 tonnes en 2006, une augmentation de 62%. Encore là cette surproduction a de quoi justifier un marché des herbicides et pesticides en développement.

“Le Round Up a fait la job pour nous débarrasser de l’atrazine  !“, Guy Forand, agronome.

Plusieurs semblent oublier qu’il se produit plus de cultures de maïs en 2015 qu’il ne s’en produisait au début des années 2000. Y-a-t-il plus de ventes de pesticides mais au final moins de pesticides à l’hectare qu’il y a 15 ans ? D’autant plus que nos sources nous précisent que les molécules dangereuses sont plus diluées ces années-ci. Ce qui revient à dire que le volume de produits vendus peut augmenter par la présence d’hyperconcentrés auxquels on ajoute des surfactants. Du coup, la quantité de molécules néfastes n’est pas forcément en aussi grande explosion que ce que certaines études l’avancent. Par ailleurs, le Round Up, un produit certes dangereux à plusieurs aspects, remplace en autre l’atrazine, ce qui peut être vu comme un moindre mal. Il “fait la job“ de plusieurs autres herbicides nous dit-on. “Le discours sur l’atrazine c’est plus dans le topo“ de nous renchérir Guy Forand, agronome chez Bélisle. “ Le Round Up a été une révolution en agriculture et a permis d’éliminer l’atrazine. Donc si on revient avec le discours sur l’atrazine, c’est un faux débat car elle est très peu utilisée de nos jours en agriculture au Québec!“

Et il ajoute :“Là où les compagnies poussent trop, c’est quand elles amènent l’agriculteur à un contrôle esthétique au point de le conduire à ne plus avoir une seule mauvaise herbe dans son champs.“

La face cachée des OGM

Les OGM si souvent critiquées ont été un atout considérable en agriculture pour faire baisser l’utilisation des pesticides au cours des dernières années. Par exemple, la présence maïs BT* dans les cultures au Québec est un gène qui engendre son propre insecticide, nous précise Guy Forand.

Par ailleurs, s’il fallait ne pas utiliser aucun pesticide et aucun herbicide pourrions-nous produire massivement comme cela se fait aujourd’hui et nourrir la planète comme ce que suggère aux producteurs québécois et canadiens chaque nouvelle entente signée par les gouvernements ?

*Bacillus thuringiensis, ou Bt, est un traitement biologique très utilisé, notamment pour lutter contre les chenilles.

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