En Ukraine, la résilience et la vie agricole continuent: discussions avec des acteurs sur le terrain!

Jean-Jacques Hervé, ancien conseiller du gouvernement ukrainien et ancien conseiller de l’Ambassade de France à Moscou (rencontré lors de la mission de l’Institut Jean-Garon en France l’an passé), organisait le 15 février dernier à Paris une rencontre sur la situation en Ukraine, à l’Académie de l’Agriculture de France dont il est le président.  Plusieurs intervenants étaient réunis pour faire le point sur la situation de l’agriculture en Ukraine depuis le début de la guerre, et s’il y a bien une ligne conductrice qui s’est traduite au fil de cette rencontre, que nous avons suivie en direct via zoom, c’est bien la résilience et le courage.

Impact économique et écologique

Il a été rappelé tout au long de la séance que les pertes et dommages pour le sol ukrainien durant le conflit qui perdure depuis un an impactent la souveraineté alimentaire, mais aussi l’écologie : de grandes surfaces sous l’occupation ont subi des attaques physiques et chimiques.

Le constat est que le problème agricole serait le 2e plus gros problème en Ukraine après le problème militaire. Si la sécurité alimentaire est assurée malgré la situation, le directeur général de Limagrain en Ukraine, Viktor Karbisky, a confirmé que 10 millions  d’hectares de terres ont été retirés de la production sur les 44 millions d’hectares de la production ukrainienne. Actuellement le monde agricole et agroalimentaire a ainsi subi une perte de 34 milliards de dollars sur un an.

Le centre national de conservation des semences détruit

Si l’Ukraine résiste, c’est parce qu’elle a assez de réserve de blé pour l’année qui s’en vient, a-t-on appris, mais il faut bien comprendre que des dégâts sur certains plans seront irréversibles. C’est le cas comme l’a expliqué Jean-Jacques Hervé, en contact permanent à Odessa avec un généticien de renom, puisque  le centre national de conservation des semences a été détruit et en partie déplacé en Serbie ce qui a entraîné une baisse des flux dans ce domaine de l’ordre de 35 %.

Des semis remis en cause

En raison des problèmes économiques et techniques, les semis d’hiver sont impactés : 40 % ne sont pas réalisés. C’est une inquiétude forte pour le printemps, on craint une diminution des semis. Il est actuellement  question d’une baisse de 30 % de mise en culture du maïs ce printemps.

Les compagnies continuent même en temps de guerre

L’un des intervenants, Olivier Brouillet, de la société KMR, a expliqué quant à lui, la résistance d’une compagnie du secteur de l’agriculture en temps de guerre. Il nous a expliqué que la commercialisation des récoltes se poursuit malgré les difficultés. KMR est une ferme à capital français en Ukraine depuis 16 ans. Au départ implantée sur 2000 hectares, elle exploite aujourd’hui 21 000 hectares non loin de Donetz. Elle emploie 130 personnes sur deux bases et sa spécialité est la rotation sur 3 cultures : moitié blé, ¼ tournesol et ¼ colza.

Cette compagnie dynamique avant-guerre, continue son développement, mais différemment malgré un silo connecté au ferroviaire: « On avait commencé l’activité de trading et les achats aux agriculteurs voisins. C’est en stand-by aujourd’hui. Tout ça est lié aux risques de l’avenir en lien avec le corridor céréalier. On évite d’accumuler du volume et nous avons aussi stoppé l’achat de foncier», confie-t-il.

Par contre la dynamique qui reste actuelle,  c’est la rémunération liée au carbone : « On se fait rémunérer pour le carbone qu’on arrive à stocker grâce à notre production végétale», dit-il.

« Dans l’ensemble on est chanceux. On n’a pas été touchés directement, sur les infrastructures, ou sur les terres. En février 2022 on a pu faire de l’épandage, on a pu suivre un itinéraire blé ou colza classique, sauf pour le tournesol».

Un rôle social aussi

Au début de la guerre, on a envoyé certains membres de familles en France et depuis on aide les employés avec des convois humanitaires venant de France.

Pour ce qui est du marché, ils doivent subir la même explosion du prix des intrants. La situation est la même que sur le marché mondial.

Olivier se dit chanceux, épargné en fait parce que sa compagnie avait de la trésorerie. «Les ventes c’est le nerf de la guerre et on continue de tourner à l’ export».

On pourra compter en Europe sur le travail de la terre en Ukraine. Les entreprises semencières ukrainiennes viendront compenser les manques européens cette année encore. Les attentes pour exporter les semences de tournesol vont s’accroître. Et l’Ukraine est candidate pour exporter.

 

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