Sylvain Charlebois – Autant l’enquête parlementaire sur l’inflation alimentaire dont le rapport a été déposé cette semaine nous relève davantage sur l’artifice politique, autant l’étude du Bureau de la concurrence sur l’industrie alimentaire, annoncée l’automne dernier, constitue un exercice des plus intéressants. Depuis l’année dernière, le Bureau a été vivement critiqué par certains experts pour ne pas avoir maintenu un niveau de concurrence décent au sein de l’industrie alimentaire ni aidé les consommateurs à faire face à la hausse des prix à l’épicerie. L’industrie est essentiellement contrôlée par une poignée d’acteurs, notamment Loblaw, Empire/Sobeys, Metro, Walmart et Costco, qui vendent plus de 85 % de tous les aliments que nous achetons au Canada. Mais certains signes suggèrent que cette situation pourrait changer prochainement.
Un peu de contexte. Le stratagème de fixation des prix du pain qui aurait eu lieu entre 2001 et 2015 au Canada revient dans l’actualité, incitant les Canadiens à se demander ce que le Bureau de la concurrence a fait au cours des huit dernières années puisque l’enquête reste toujours en cours après tout ce temps. Depuis que Loblaw s’est déclaré comme « dénonciateur » en décembre 2017 et a offert à tous les Canadiens une carte-cadeau de 25 $ à dépenser dans leurs magasins, nous n’avons rien entendu au sujet de l’enquête. Aucune accusation ni amende, et personne n’a reçu de condamnation ou de peine d’emprisonnement. Nous savons toutefois qu’en divulguant l’identité de ses présumés conspirateurs et en collaborant à l’enquête du Bureau de la concurrence, Loblaw et Weston Bakeries, propriété de Loblaw à l’époque et vendue depuis, ont obtenu une immunité contre toutes poursuites judiciaires. Essentiellement, les Canadiens se sentent probablement plus vulnérables qu’avant.
Le Bureau a promis de rendre publique son étude sur l’industrie alimentaire d’ici la fin du mois. Depuis quelques mois, certains dirigeants se comportent bizarrement. Est-ce un hasard??
D’abord, Galen Weston. Nous savons que Galen Weston, le PDG responsable de l’entreprise au centre du scandale de la fixation du prix du pain, a annoncé qu’il quitterait son poste de président dans moins d’un an. Depuis que nous avons annoncé son successeur, il a complètement disparu des ondes et des publicités télévisées de l’entreprise.
Un autre leader de l’industrie qui s’est complètement effacé de la vie publique, Michael McCain, président et chef de la direction de Maple Leaf Foods, a également annoncé qu’il quitterait son poste l’année prochaine. Son entreprise a également été impliqué dans le scandale de la fixation des prix du pain en tant qu’ancien propriétaire de Canada Bread, une société qui a été vendue en 2014, un an avant le début de l’enquête sur le pain.
Des documents judiciaires rapportés en 2021 ont dévoilé des courriels entre des dirigeants de haut rang de l’industrie, dont certains chez Maple Leaf Foods, qui suggèrent une intention de synchroniser les prix de la viande, s’apparentant à la prétendue coordination des prix du pain. En raison de la pandémie, cette histoire n’a pas tant fait la une des journaux, mais l’industrie alimentaire sait pertinemment que le Bureau détient la preuve que quelque chose se tramait.
Eric Laflèche en est un autre. Laflèche qui est président et chef de la direction chez Metro, a récemment accordé une rare entrevue à Montréal et a endossé ouvertement le code de conduite pour la première fois. Cela en a surpris plus d’un. Le code de conduite promet d’apporter plus de discipline et de concurrence sur le marché, et Metro n’a jamais été favorable à l’idée, du moins, pas jusqu’à maintenant. Plusieurs dirigeants comme Laflèche reconnaissent maintenant que les choses peuvent s’améliorer et que certaines solutions doivent être envisagées. Encore une fois, une situation inattendue de la part d’un autre leader de l’industrie.
Sans nul doute, les prochains mois divulgueront des faits intéressants. Avec un gouvernement désespéré de montrer aux Canadiens qu’il peut aider les familles à lutter contre l’inflation, un Bureau plus pertinent pourrait devenir ce dont Ottawa a besoin en ce moment. Et c’est probablement la raison pour laquelle l’industrie se sent très nerveuse depuis quelque temps.