Le président de l’UPA fait erreur, dans sa réponse à Claude Fortin, à propos de la cotisation à l’UPA.
Sans doute mal conseillé, il prétend que l’UPA étant accréditée pour représenter tous les agriculteurs, comme les syndicats professionnels ouvriers, elle a le droit de cotiser tous les agriculteurs qu’elle représente. En d’autres mots, la formule Rand s’applique dans son cas.
Or tout ceci est un énorme mensonge que répète l’UPA à satiété depuis la Loi sur les producteurs agricoles de 1972. L’UPA n’est pas accréditée en vertu du Commissaire du travail, conformément au Code du travail, mais bien en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles, et la raison est simple, c’est que les cultivateurs ne sont pas des employés d’un employeur unique dans une même unité de travail, mais des entrepreneurs privés. L’UPA n’est pas leur employeur, même si elle se comporte comme telle par le biais de ses Plans conjoints de mise en marché collective. “Le syndicat agricole, contrairement au syndicat ouvrier, ne négocie pas UNE convention collective qui détermine le salaire et les conditions de travail de chacun des travailleurs concernés: il négocie plutôt des programmes et des politiques dont les agriculteurs profitent TRÈS INÉGALEMENT, selon les particularités de leur ferme [ d’où la contestation de fermiers de proximité comme Claude Fortin, qui sont nettement marginalisés sinon défavorisés par l’UPA et les programmes du gouvernement]. Les conventions de prix négociées dans les plans conjoints par les Offices de producteurs sont des contrats commerciaux liant les producteurs autonomes d’un secteur particulier avec les principaux acheteurs de leur production et non des conventions collectives de travail. Il est donc très difficile de défendre l’application de la formule Rand comme on peut le faire dans les syndicats ouvriers en prétextant que la convention collective profite à tous les travailleurs, qu’ils soient membres ou non du syndicat. Dans un tel régime, il est inévitable que des groupes importants d’agriculteurs ne trouvent pas leur compte. De plus, la transposition mensongère du modèle syndical ouvrier a créé un régime où les agriculteurs n’ont en pratique plus de liberté de choix syndical.” (Tiré de mon livre L’UPA, UN MONOPOLE QUI A FAIT SON TEMPS, VLB éditeur, pp. 101 ss).
Justement d’ailleurs, le droit qu’a l’UPA de cotiser tous les agriculteurs qu’elle représente ne lui vient pas de son accrédition unique mais d’un référendum tenu suite à celle-ci, en 1973, en conformité avec les dispositions de la Loi sur les producteurs agricoles (art.13). Ce référendum, qui est coulé dans le ciment, car on y a prévu aucun mécanisme de renouvellement, fut en outre un référendum bidon. L’UPA se vante de l’avoir gagné haut la main en 1973 avec 74% des voix des agriculteurs, mais en fait, si l’on tient compte des agriculteurs qui n’étaient pas inscrits, de ceux qui n’ont pas voté, de ceux qui ont voté non et des bulletins annulés, cette proportion tombe à un tiers. D’ailleurs, en tenant compte que l’UPA compte forcément parmi ses membres la majorité des producteurs (c’est la condition de son accréditation), il était prévisible et même inévitable qu’une majorité de producteurs optent pour que tous cotisent et contribuent à la cagnotte. C’est la définition même d’un référendum bidon. Ce qui n’empêche pas l’UPA et ses nombreux avocats de poursuivre chaque année des milliers de producteurs qui refusent de payer la cotisation, et de saisir leurs biens, en jouant sur les critères qui définissent ce qu’est un producteur selon la loi, notamment la valeur de la production annuelle destinée à la mise en marché. C’est la formule Rand selon l’UPA.
Roméo Bouchard, cofondateur Union paysanne