Nos agriculteurs sont devenus les victimes du système

Yvon Picotte, ancien ministre de l’Agriculture

Payer ses factures? Voilà l’inquiétude que vivent nos agriculteurs et producteurs. Faire face au défi de produire au quotidien malgré les embûches et les tracasseries administratives, les coûts d’intérêt élevés, l’augmentation du diesel, celui de la nourriture pour les animaux, et autres coûts inhérents. Combien sont-ils à y penser et à se le demander plusieurs fois par jour, car confrontés à des coûts de production ayant considérablement augmenté au cours des trois dernières années? Que dire des normes élevées auxquelles ils doivent se restreindre pour produire leurs activités agricoles! Quelle injustice que nos producteurs vivent alors que les produits étrangers y sont soustraits et qu’ils peuvent être offerts aux consommateurs québécois à moindre prix ?

Comme le soulignait le 29 janvier dernier, Yannick Patelli, la colère gronde lentement au Québec.  Doit-on attendre que le Québec connaisse la même révolte qu’en France ou celle en Allemagne ou en Belgique pour agir? On récolte aujourd’hui les fruits de la mondialisation où l’ensemble des gouvernements occidentaux, dont le Canada, n’ont pas su contrôler et absorber les méfaits de la planétarisation de leurs marchés.

En France, le gouvernement a tenté par l’adoption de la loi Egalim de redonner aux agriculteurs de l’oxygène et éviter que les producteurs ne fassent les frais de la guerre des prix féroces entre supermarchés et distributeurs/fournisseurs de l’agro-industrie. Après cinq années d’adoption de cette loi, les agriculteurs ne reçoivent toujours pas leur part des bénéfices générés par les hausses vertigineuses des prix à la consommation.

Le gouvernement du Québec devrait tirer leçon de la situation française et comprendre qu’il lui faut agir au plus tôt que trop tard avant que la colère des ruraux n’éclate au grand jour. Faut-il rappeler au ministre Lamontagne et à tous ses collègues du conseil des ministres ce qui s’est passé en décembre dernier au congrès de l’UPA! Plus d’un producteur a mis en exergue leur ras-le-bol de la bureaucratie, de moyen financier mal adapté pour les soutenir, du manque de vision technocratique concernant la relève agricole, et j’en passe. Nos agriculteurs sont devenus les victimes du système ; ils subissent les prix fixés par les grands distributeurs et n’ont aucun contrôle sur le marché.

La mondialisation nous impose de faire un choix 

Un grand nombre d’agriculteurs demande maintenant de prendre en compte leurs réalités agraires et agricoles en matière de production, de culture et d’élevage. D’une part, le gouvernement fait la promotion de l’achat local, d’autre part, le consommateur avisé veut un produit le plus possible biologique, sans hormones et sans pesticide. Mais, ces exigences imposées au produit local finissent par coûter plus cher au consommateur. Pour être concurrentiels, nos agriculteurs alarment les gouvernements sur la nécessité d’imposer les mêmes restrictions aux produits importés de Californie, du Mexique ou d’ailleurs.

La mondialisation nous impose de faire un choix : imposer à l’entrée des normes équivalentes aux produits importés ou soutenir plus adéquatement le dur labeur de nos agriculteurs.

Il est plus que temps, pour le gouvernement, d’agir avant que n’éclate, ici, la colère de la ruralité.

 

 

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