Le vrai ras-le-bol des agriculteurs

Ça bouge en Europe depuis un certain temps, et maintenant que les manifestations des agriculteurs ont atteint Paris, les médias portent davantage attention à ce qui se passe, ce qui était nécessaire. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l’Autriche, l’Italie, la Pologne et la Roumanie ont été touchés par le mouvement des agriculteurs. Et maintenant, c’est au tour de la France et de Paris, et la situation n’est pas simple. Il ne s’agit pas seulement d’une seule loi ou d’un seul règlement, c’est un ras-le-bol total.

Essentiellement, alors que les revenus stagnent pour de nombreuses filières, les coûts liés à l’utilisation de l’eau augmentent, les taxes sur le diesel et autres carburants s’accumulent, l’utilisation de pesticides et d’herbicides devient plus restrictive, et l’obligation de la jachère rend la production plus coûteuse et moins productive. La liste des problèmes s’allonge. Au fil des années, les élus qui ont choisi d’écouter les citadins, qui sont souvent plusieurs degrés éloignés des agriculteurs, demandent des changements qui sapent le pouvoir des agriculteurs sur leurs propres fermes, car plus que jamais, ces derniers sont perçus comme le véritable problème, des pollueurs, des irresponsables de la pire espèce.

De plus, alors que la colère des agriculteurs devient de plus en plus palpable, la population reste divisée, très divisée. La France en est un exemple parfait. Alors que les agriculteurs français défilent jusqu’à Paris pour plaider en faveur de réglementations environnementales plus indulgentes, les autorités persistent. C’est la lutte entre les villes et la campagne. Comme moins de 2% des gens vivent aujourd’hui dans une ferme, les deux groupes ne se comprennent plus.

Tout cela était prévisible. En fait, la colère des villes n’est pas dirigée spécifiquement contre les agriculteurs. Après tout, les agriculteurs sont souvent en haut de la liste des professions en lesquelles les gens ont le plus confiance, aux côtés des pompiers, des enseignants et des experts de la santé. Ce sont plutôt les pratiques agricoles qui sont remises en question. Le jugement négatif envers l’agriculture émane d’une croyance que citadins eux-mêmes se sentent bien outillés pour donner des leçons aux régions. Cela se produit depuis de nombreuses années.

C’est la même chose ici, mais à un moindre degré. Le clivage entre urbain et rural s’intensifie simplement parce que les gouvernements occidentaux imposent une vision basée sur des valeurs purement citadines, sans prendre en compte les réalités agraires. La montée en flèche de la lutte contre le glyphosate, malgré une science très claire, la taxation environnementale supplémentaire sans prendre en considération le manque d’options écologiques et économiques pour les agriculteurs, la liste est longue. Depuis longtemps, on voit que les citadins ne se soucient pas des agriculteurs et choisissent d’écouter certains alarmistes et groupes d’intérêts, certains même financés par l’État. C’est inimaginable.

Nous avons la gestion de l’offre ici, et les agriculteurs qui en font partie sont souvent bruyants, très bruyants. Mais ce ne sont pas nécessairement eux qui ont besoin d’aide. Ils sont simplement mieux organisés. Le lait, les œufs, la volaille, la gestion de l’offre s’occupe d’eux. Pour le reste, c’est moins simple, mais c’est à eux que nous devons prêter attention. Le porc, le bœuf, la production horticole, plusieurs filières ont du mal à se faire entendre, mais surtout à se faire comprendre par les citadins.

Les gouvernements, dont la députation provient généralement des villes, dépendent d’électeurs qui tiennent pour acquis que la nourriture apparaît magiquement sur les étagères des épiceries. Depuis 2015, c’est la réalité qui frappe Ottawa. Le manque de compréhension du travail derrière la nourriture que nous avons le privilège d’acheter chaque jour affecte les perceptions. Nous voulons acheter local, sans hormones, sans ceci, sans cela, mais nos demandes finissent par coûter cher, et les agriculteurs le savent très bien. Nous en sommes arrivés là.

Donner le bénéfice du doute à nos agriculteurs est essentiel pour élaborer de meilleures politiques en matière agroalimentaire. Contrairement à nos épiceries, qui devraient nous écouter davantage, nos agriculteurs subissent les prix et n’ont aucun contrôle sur le marché. Ils en sont les victimes. Avec nos exigences souvent excessives tout en prônant la vertu, nous avons oublié cela.

Avant que cela ne devienne trop agité ici aussi, rappelons-nous que ce sont les agriculteurs qui sont à la base de nos systèmes agroalimentaires.

 

 

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