«Je pense qu’il y a une légitimité derrière l’Union paysanne et le Conseil des entrepreneurs agricoles.» Donald Martel (CAQ)

NDLR : Rencontré lors du dernier SIMAQ, le tout nouveau porte-parole en agriculture de la Coalition Avenir Québec, Donald Martel, a donné sa première entrevue à La Vie agricole. Nous étions ensemble quelques heures avant d’apprendre la nouvelle sur l’enquête de la Sûreté du Québec enclenchée sur le ministre de l’Agriculture du Québec Pierre Paradis, mais nous savions déjà qu’il était relevé de ses fonctions. À ce moment-là, seules les raisons médicales étaient évoquées. Donald Martel qui dit lui-même ne pas avoir la langue de bois, nous a parlé en toute franchise de sa vision de l’agriculture, du Sommet de l’Alimentation, des questionnements qui se posent sur le fonctionnement démocratique qui se pose à l’UPA,  de L’ALENA, de Trump, de Levinoff-Colbex et du projet d’abattoir coop, de la CPTAQ, de l’Union paysanne et du Conseil des entrepreneurs agricoles. Un tour d’horizon bien complet en somme comme il se doit dans une publication libre ! 

 

Yannick Patelli : M. Legault a promis un fonds dédié à l’agriculture au dernier congrès de l’UPA, c’est pour aider directement l’agriculture ?

Donald Martel : «Oui parce que pour nous les agriculteurs sont des entrepreneurs. C’est important qu’ils aient plus de fonds pour développer. La relève a besoin d’un break et il faut les aider à moderniser leurs installations.»

YP : En 2013, vous disiez que l’UPA manquait de démocratie, vous dites quoi aujourd’hui ?

DM : « Je veux voir. À l’époque c’est un problème que je constatais selon les discussions que j’avais avec des agriculteurs très attachés à l’UPA et d’autres moins, mais j’avais beaucoup de griefs à l’égard de démocratie dans l’application des règles au sein de L’UPA. Est-ce que ça a changé au cours des deux ou trois dernières années, je ne suis pas en mesure aujourd’hui de porter un jugement par rapport à ça, mais c’est sûr que je vais être attentif à ça ! Moi, on me dit qu’ils font plus attention. Je ne peux pas affirmer ça, je ne le sais pas !»

YP : Quelle est votre position sur le dossier Levinoff-Colbex vous qui avez été bien au fait et que feriez-vous comme ministre de l’Agriculture pour permettre l’abattage du bœuf au Québec ?

DM : « La partie due à Investissement Québec  ( prêt de 19 millions plus intérêts), il faut que je me remette dans le bain par rapport à ça. C’est quoi l’état du dossier depuis le jour où j’avais donné l’entrevue ? Je n’ai pas la réponse aujourd’hui. Ce ne sont pas des montants qui doivent être pris à la légère. Il y a des gens qui se sont enrichis dans toute cette aventure-là ! Il y a des gens qui ont payé chèrement leur part de déficit ! Investissement Québec avait payé ça très cher en donnant des conditions épouvantables. Investissement-Québec pourquoi ils sont allés là-dedans. À l’époque j’étais à la MRC Nicolet-Yamaska. On avait travaillé sur un plan pour  proposer une alternative plutôt que  de racheter. Le gouvernement avait fait fi de ça et était allé là-dedans et  aujourd’hui on se retrouve avec un mauvais investissement de 19 millions minimum d’Investissement Québec qu’ils vont probablement mettre aux pertes et puis collectivement on va avoir payé pour une mauvaise décision d’Investissement-Québec, sans avoir d’abattoir effectivement, mais il ne faut pas mélanger les deux : les besoins d’un abattoir versus le fiasco qu’il y a eu pour sauver l’abattoir Colbex!»

YP : Et que pensez-vous  du projet d’abattoir coop ?

DM : « Moi, je pense que ça mérite l’oreille attentive du ministre. Au Québec, on est bon pour produire, on a des bons maraîchers, on a une bonne agriculture de volaille, de porcs, mais on doit faire plus de transformation incluant les abattoirs. S’il y a un mouvement coopératif, je ne peux pas croire que le ministre ne regarde pas ça ! »

YP : L’arrivée de Trump et du protectionnisme vous inspire quoi. La CAQ va-t-elle aller sur les pas de ce courant de protectionnisme ?

DM : « Non, je ne pense pas. Je ne veux pas parler à la place de M.Legault, mais je pense qu’on ne peut pas penser l’économie de 2017 et ne pas souhaiter qu’il y est le moins de frontières possibles pour les échanges des services. Nous, là où on a un penchant plus protectionniste, c’est par rapport à des sièges sociaux stratégiques qu’il faut aider, car ça profite aux Québécois. Collectivement on se fait une mauvaise idée de la réalité de Trump. À mon avis, il y a eu beaucoup de spectacle pendant la campagne. Qu’en sera-t-il dans six mois ?

YP : Croyez-vous à la perte de certains avantages si l’ALENA est revisité ?

DM : « Nous on était favorable. On avait l’inquiétude par rapport au milieu agricole et on pensait que ça devait être protégé notamment la gestion de l’offre. Pour nous ça faisait partie d’une entente souhaitée et acceptable. Les États-Unis se retirent et remettent en cause l’ALENA, mais si la sous-question c’était de protéger la gestion de l’offre, moi je pense qu’il faut la protéger. Quand je regarde le milieu agricole et dans les secteurs où  il y a la gestion de l’offre au Québec, ce sont des milieux qui vont plutôt bien. Va-t-on aller fragiliser les producteurs agricoles qui vont le mieux? La réponse c’est non!»

YP : Quelle est votre position sur les organisations parallèles à l’UPA comme le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA) et l’Union paysanne et sur le syndicalisme agricole au Québec ?

DM : « Moi, je ne suis pas dogmatique. Je pense qu’il y a une légitimité derrière l’Union paysanne et qu’il y a une légitimité derrière le Conseil des entrepreneurs agricoles. Autant comme critique en matière agricole que comme citoyen rural, le milieu agricole a perdu beaucoup, beaucoup de pouvoirs au sein des gouvernements. M.Paradis est en train d’apporter des réformes très importantes et on ne sent pas que l’opinion ou les pressions politiques ont de l’influence sur sa détermination. C’est la réalité de la perte de poids politique des agriculteurs et pourtant l’agriculture n’est pas moins importante qu’avant. Ma préoccupation c’est de redonner une force politique au milieu agricole. Ça prend une représentativité du monde agricole, forte. Mais c’est quoi le modèle idéal ? Je ne suis pas dogmatique, faut voir. Si j’étais un représentant de L’UPA, moi je voudrais que  l’UPA soit très très forte, mais est-ce que c’est ça le monde idéal ? L’UPA dans l’histoire du Québec a joué un rôle fondamental. Est-ce qu’ils peuvent rejouer ce rôle-là, je ne le sais pas. L’UPA est concernée par cette  espèce de guerre de pouvoir là ! Ce que je leur dis : il faut que vous vous parliez. »

YP : Le vrai problème est-il dans le monopole syndical ou dans la gestion des plans conjoints et est-ce que nous aurons les réponses à tout cela lors du Sommet de l’Alimentation?

DM : « Mettons que ce que  je m’apprête à dire sera mon petit éditorial politique : Le parti libéral est au pouvoir depuis 15 ans. Ils sont au fait.  Ils ont eu, je ne sais pas combien de rapports. Ils sont concernés par ces questions-là depuis au moins 15 ans et là M.Paradis nous dit qu’au terme de cette législature-là, qu’il va présenter un plan. Pendant 4 ans il va avoir balayé la poussière en dessous du tapis. C’est déplorable. Même si on ne fait rien, on affaiblit le poids politique des agriculteurs au Québec. Mais j’aimerais vous parler d’un dossier un peu plus pointu concernant le lotissement des terres. L’UPA sur ce dossier se bat de façon excessive. Moi, je pense qu’il faut faire place au lotissement. Il y a des entreprises qui pourraient naître dans des lopins de terre beaucoup plus petits qui pourraient faire vivre des personnes. Les grandes cultures, il ne faut pas perdre cela de vue, mais si on veut garder nos gens dans les secteurs ruraux, il faut multiplier les entreprises agricoles et en laissant le lotissement comme il est là, c’est un contre effet de cela ! Je regarde aussi le travail qui se fait à la CPTAQ. Il y a un problème ou il n’y a pas assez de ressources ou c’est mal organisé, mais le délai de traitement des dossiers actuellement n’a aucun sens. Je pense que certaines MRC rurales peuvent alléger la CPTAQ. Je pense que la CAQ, on dit qu’on est un parti d’entrepreneurs. Pour moi c’est un “fit“ naturel avec le milieu agricole. Le milieu agricole devrait avoir un penchant naturel pour la CAQ. Ce n’est pas forcément le cas actuellement, mais je vais avoir cette préoccupation-là ! Et je vais essayer d’avoir des candidats agriculteurs à notre prochaine élection ! Et c’est une façon aussi de faire avance l’agriculture en infiltrant les partis politiques !»

 

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