Où est la réglementation ?

Yan Turmine
La demande de produit alimentaire diversifié n’a jamais été aussi forte. Que ce soit par une curiosité plus grande des consommateurs qui sont plus ouverts vers le monde, ou par l’influence des habitudes culinaires des communautés ethniques, la demande pour de nouveaux aliments n’a jamais été aussi forte. Plus de la moitié des habitants de la plus grande ville au Canada, Toronto, ne sont pas nés au Canada. Pour la plupart manger de la dinde avec des canneberges pendant la période des fêtes c’est exotique. L’agriculture d’aujourd’hui doit faire face à ce nouveau défi qu’est de produire et d’offrir tous ces nouveaux produits. Et c’est tout un défi autant au niveau de la production que de la réglementation.
Les changements sont longs et complexes
Au niveau de la production, on a de plus en plus d’agriculteurs et d’hommes d’affaires qui s’intéressent à ces nouvelles productions. Certaines de ces productions ont connu au cours des dernières années des croissances importantes. Cette augmentation de production sollicite des connaissances en régie, en nutrition en santé animale et aussi au niveau de la réglementation. Lorsque la demande est là, l’entreprise privée répond généralement bien a à cette nouvelle demande d’expertise. Bien entendu ce n’est pas toutes les entreprises qui s’y intéressent, mais plusieurs entreprises, petites et grosses développent de l’expertise dans ces nouvelles productions. Au niveau de la réglementation c’est plus compliqué, souvent plusieurs juridictions ou ministères sont touchés. Les changements sont longs et complexes.
Au niveau de l’inspection des viandes par exemple, lorsqu’un animal est malade un vétérinaire intervient et prescrit un remède (juridiction provinciale pour le vétérinaire et fédérale pour le remède si c’est un médicament). Lors de l’abattage, la gestion des résidus relève du fédéral (ministère de la Santé et de l’agence canadienne d‘inspection des aliments). Un récent cas de rétention d’un lot de lapins par l’agence canadienne d’inspection des aliments démontre comment la complexité et le manque de législation dans une production peut être nuisible. La pasteurellose est une maladie courante en élevage de lapins. Elle est hautement contagieuse et peut causer des pertes sévères aux élevages si elle n’est pas rapidement contrôlée.
Un seul médicament homologué au Canada pour le lapin
Plusieurs cas de pasteurellose s’étant déclarés au Québec, un vétérinaire spécialisé en cuniculture décide de prescrire un médicament afin de contrôler la maladie, cette prescription est d’ailleurs plus complexe à préparer, car un seul médicament au Canada est homologué pour le lapin dans le RNSM et cela pour contrôler une autre maladie. Tous les aliments médicamentés fabriqués ou vendus au Canada doivent être préparés de manière à respecter les prescriptions émises dans le Recueil des notices sur les substances médiatrices (RNSM) afin d'être conformes au Règlement sur les aliments du bétail. La seule exception concerne les aliments préparés selon une ordonnance d'un médecin vétérinaire. Malgré toutes les précautions émises sur la prescription vétérinaire (dosage reconnu ailleurs et temps de retrait largement supérieur a ce qui est recommandé ailleurs dans le monde), les lapins sont retenus à l’abattage par l’inspection parce qu’ils ont été traités par un médicament qui n’est pas homologué dans le RNSM (un seul médicament est homologué pour le lapin dans le RNSM). De plus l’inspection par la suite justifie sa rétention par l’absence de limites maximales administratives de résidus (LMAR) ou de limite fonctionnelle de résidus (LFR). Ces limites sont fixées par Santé Canada. Encore là aucun médicament n’a pas de LMAR ou de LFR dans le lapin. Cette situation devient désastreuse pour les producteurs de lapins et l’abattoir, ils ne peuvent plus mettre en marché leurs lapins. Et cet événement est arrivé en plein dans une période de promotion de la viande de lapin planifiée depuis des mois. L’inspection après beaucoup de représentations et selon les résultats d’analyses de résidus faits par les producteurs accepte sous certaines conditions l’abatage des lapins traités.
Pertes financières réelles
Plusieurs milliers de lapins retenus par l’agence ont été congelés et ne peuvent plus être vendus. La période de promotion, quant à elle, est finie et des milliers de dollars et des mois d’efforts se sont envolés. Cet exemple illustre bien ce qu’un manque de règlement peut faire. Il n’est pas unique à la production de lapin, c'est la même chose pour à peu prés toutes les nouvelles productions animales (canard, pintade, volaille spécialisée, chèvre, etc.). Faute de réglementation adéquate, pour toutes ces productions, les moindres maladies facilement traitables sans conséquence sur la qualité de la viande pour le consommateur, ont des conséquences négatives majeures sur le développement de ces productions.
Des lapins d’ailleurs, médicamentés et non conformes !
Sans réglementation adéquate comment voulez-vous que se développent chez nous des entreprises qui répondent à des secteurs en pleine expansion ? On continuera alors, comme cela se fait actuellement pour la viande de lapin, à importer par bateau, en provenance de différents pays où dans leur cas, on a aucune possibilité de contrôle et ou sont utilisés des médicaments qui seraient totalement interdits au canada.

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