L’industrie du lait va bien au Canada ou plutôt ça semble bien aller pour les industriels laitiers canadiens. Leur expansion en dehors des frontières canadiennes depuis quelques années semble très bien leur réussir. Saputo est devenu un joueur international, dans le top trois des fabricants de fromage aux États-Unis. Agropur, avec l’achat de Davisco cet été, est aussi devenu un joueur majeur dans la transformation de fromage chez nos voisins du sud. Cependant des nuages noirs planent sur l’industrie laitière canadienne. Ces nuages viennent d’Europe et des États-Unis.
Qui détiendra les quotas d’importations ?
L’accord de libre-échange avec l’Europe permettra l’importation de plus de 17700 tonnes de fromage, ce qui engendrera l’émission de quotas d’importation. Leurs modalités d’attribution ne sont pas encore très claires. Normalement l’émission de ces quotas se fait au prorata des détenteurs actuels de quota d’importation. La valeur de ces quotas est assez importante, car elle permet généralement à leurs propriétaires de faire de bons profits. Cependant on ne sait pas encore précisément comment le gouvernement va gérer cette nouvelle distribution (qui représente en valeur plusieurs dizaines de millions de dollars).
De plus la nature des fromages visés ne semble plus très claire. Au début, on parlait de fromages fins. Il semble maintenant que ces importations couvriraient une plus grande gamme de fromage. Pour le Québec avec une production d’environ 32 000 tonnes de fromages fins, l’importation de plus de 17 000 tonnes de fromages fins aurait été désastreuse. La production québécoise de fromage qui semble être maintenant visée dans son ensemble par l’accord de libre-échange est de plus de 215 000 tonnes. Dépendant qui importera, l’impact pourrait être assez minime. Par exemple, l’importation de fromages dits de commodité destinée à la fabrication de produits destinés à l’export pourrait avoir un impact nul sur la production laitière et rendre certains transformateurs plus concurrentiels sur le marché international et augmenter leur production.
La gestion de l’offre en danger ?
Autre menace potentielle, la grogne que suscite chez les transformateurs américains les acquisitions faites par des laiteries canadiennes aux États-Unis.
Ceux-ci se plaignent que le système de gestion de l’offre au Canada permet aux entreprises canadiennes d’engranger année après année des profits, un système qu’il qualifie de déloyal et de communiste. Ce privilège permet aux entreprises canadiennes d’être en meilleure position que leurs concurrents américains pour acheter des entreprises de transformation laitière en territoire américain. Les laiteries américaines contrairement aux laiteries canadiennes évoluent dans un marché beaucoup moins stable et moins profitable.
Cette grogne risque de se traduire politiquement par des attaques sur notre système de gestion de l’offre. L’affaiblissement de notre système de gestion de l’offre serait un frein majeur à l’expansion de nos entreprises de transformation laitière hors Québec. Elle ôterait la stabilité dont nos entreprises ont besoin pour financer leur expansion. Il faut s’en soucier n’en déplaise à nos voisins qui feraient la même chose que nous si la situation était inversée.
L’industrie laitière est importante pour le Québec. C’est une industrie qui est en santé et qui non seulement peut affronter les tempêtes à venir, mais prendre de l’expansion, dans la mesure où nos politiciens n’alimentent pas la tempête par des décisions plus ou moins réfléchies.