Pierre Paradis a un discours très moderne sur l’agriculture depuis son entrée en fonction. Que ce soit le remboursement des taxes qui ne seraient plus rattachées au membership, que ce soit la révision de plusieurs programmes qui entraînaient des dépenses de bureau ou de représentation en dédoublement ou la potentielle mise à mort du monopole syndical, il ne s’est pas privé de démontrer une vision très différente de ce que le milieu agricole a vécu depuis les années 70, que ce soit sous des gouvernements libéraux ou péquistes. Mais quittera-t-il le monde des idées pour de véritables changements sur le terrain ?
Les différents gouvernements nous ont habitués à être menés par l’UPA plutôt que l’inverse. Pour une fois on dirait que le ministre de l’Agriculture veut reprendre la main. Pourtant décrié dans ses mémoires par Jean Garon comme l’un des acteurs dans le passé de la disparition de la gestion de l’offre dans la production porcine, Paradis se pose en défenseur de la gestion de l’offre dans le lait et encense Garon à l’Assemblée nationale.
Il a choisi depuis son entrée en fonction comme ministre de maximiser ses bonnes relations avec l’Union paysanne et le Conseil des entrepreneurs agricoles pour, dit-il, écouter tous les courants du milieu agricole. Il a eu l’audace au dernier congrès de l’UPA de dire en pleine face aux membres délégués du syndicat qu’il envisageait de mener des Sommets sur l’alimentation dans lesquels il considérera la place du consommateur alors que l’on sait très bien qu’actuellement les producteurs et les distributeurs sont les seuls à occuper la patinoire dans la gestion des plans conjoints. S’il tient vraiment à organiser ces fameux Sommets de l’alimentation, Paradis n’a pas un meilleur agenda que le mois de novembre prochain pour déclencher le vrai débat quelques semaines avant le prochain congrès de l’UPA.
Quelles sont les réelles intentions du ministre Paradis ? S’il envisage réellement de mettre fin au monopole syndical en milieu agricole, on peut dire qu’il a mis la table pour depuis deux ans : ce qui lui vaut d’ailleurs de multiples critiques que ce soit par des textes ou des caricatures dans le journal syndical La Terre de chez nous. Mais ira-t-il jusqu’au bout ? Si le ministre Paradis veut agir pour moderniser l’agriculture et permettre à tous les courants de pensée de s’exprimer, il n’aura pas d’autres choix que d’agir à l’automne pour assouplir le système de représentation syndicale et pour cela il a deux choix : convaincre les dirigeants du syndicat en place de prendre la main dans le leadership du renouveau ou éclater le système actuel. S’il attend trop, dès 2017 son caucus aura tendance à le freiner en raison de calcul purement politique dans certains comtés ruraux où parfois l’appui de l’UPA pourra faire la différence.
Le ministre Paradis aura-t-il l’ambition de devenir un grand ministre comme nous le confiait celui qui a été président de l’UPA pendant onze ans, Jacques Proulx, lors d’une entrevue à l’automne dernier dans laquelle il nous confiait souhaiter une ouverture au pluralisme syndical. Paradis espère-t-il un sursaut du président actuel de l’UPA qui aurait tout à gagner à reconnaître les divergences qui se manifestent clairement de plus en plus dans les champs comme l’écrivait l’ancien ministre de l’Agriculture, Yvon Picotte le mois dernier dans nos colonnes ou foncera-t-il tête baissée dans la mêlée quoiqu’il arrive ?
L’UPA même une fois reconnu le pluralisme gardera un bassin important de producteurs au sein de son membership, comme nous le confiait aussi récemment Jean Pronovost. Une société démocratiquement saine ne peut indéfiniment nier l’existence de courants de pensée divergents. L’été permettra peut-être à plusieurs de réfléchir et l’automne nous réserve sûrement quelques surprises. Paradis mettra-t-il son pied à terre pour finalement après avoir donné les grandes orientations de son gouvernement, exposer les grandes actions à venir ?