Le nouvel accord avec l’Europe…sans l’avoir négocié

NDLR: À l'heure où la signature de L'AECG entre le Canada et l'Europe est suspendue, il est très intéressant de se repencher sur la chronique écrite par Pierre Nadeau en juillet dernier dans La Vie agricole. Bonne lecture.

Négocier avec les américains n’est jamais facile mais une fois une entente conclue, elle doit être ratifiée telle quelle ou pas du tout. L’Europe a une culture de négociation totalement différente. Leurs négociateurs ont une longue histoire de compétitivité qui nous est étrangère. Au Canada, on les aime tout naturellement et on a tendance à moins se méfier dans nos relations d’affaires. Question de mère-patries, de cousinage ou de toute autre chose du  genre baguettes, strudels, prosciutto et foie gras

Sauf que …

Le chapitre sur les investissements de l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Europe a déjà été changé depuis sa signature à la demande de nos vis-à-vis. Le Canada a accepté ces changements sans mot dire.

Avec le Brexit  l’AECG n’est plus le même accord que celui convenu en 2013. Le Royaume Uni a joué un rôle de premier plan dans la négociation de cet accord. L’Union européenne (UE) est maintenant amputée de la cinquième puissance économique mondiale, soit 65 millions d’individus de moins et parmi les plus riches consommateurs  de l’Europe. Les bonzes de l’UE affirment aujourd’hui à qui veut l’entendre que c’est pour eux la meilleure entente jamais conclue. Voyez-vous le drapeau rouge?

C’est un peu comme si la Canada annonçait que le pays existera à l’avenir sans l’Alberta. Ce ne serait pas l’UE que je connais d’accepter une telle situation sans vouloir y ajouter des éléments en leur faveur.

Le Canada lui ne bouge pas.  Il ne connait pas les conséquences de ces changements  et les déclarations récentes en provenance d’Ottawa n’indiquent aucune préoccupation à ce sujet. Le Canada semble heureux de faire une deuxième concession unilatérale à l’Europe après signature. On les aime, que voulez-vous?

Maintenant, l’Europe annonce que les 27 états membres devront entériner l’Accord. Désormais, on aura 27 invités au grand bazar du chantage.  Le marché aux puces des détails qui n’ont pas été retenus lors de la négociation originale est maintenant ouvert. Les grecs demanderont une meilleure protection pour leur féta, les roumains et bulgares voudront que le Canada abolisse ses visas et laisse entrer leurs citoyens sans qu’on puisse choisir, etc.

Qu’arriverait-il si Terre Neuve exigeait l’abolition de toutes les conditions sur la pêche au phoque, que les autochtones insistaient pour vendre sans restriction toute forme d’ivoire, que l’Alberta insistait pour la réhabilitation complète en UE de tout pétrole issu des sables bitumineux? On devine la suite.

Pourtant, devant cette situation, le Canada demeure  impassible.  Quand on aime, on aime! Si les américains nous faisaient cette passe, Wal-Mart n’aurait pas assez de chemises au pays pour remplacer toutes celles qu’on aurait déchirées en public.

J’ai toujours eu une totale retenue face à ceux qui veulent en obtenir toujours plus  une fois l’accord de principe signé. C’est normal. Ce qui l’est moins, c’est d’être l’agneau des autres une fois la négo terminée. Avec tous ces changements unilatéraux, nous risquons d’avoir un nouvel accord avec l’UE sans l’avoir négocié.

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