Alors que le projet de SADAQ (Société d’aménagement et de développement agricole du Québec), vise à permettre aux jeunes agriculteurs d’accéder à l’achat de terres, il est contesté par plusieurs acteurs du milieu. Marcel Groleau, président de l’UPA défendait récemment à La Semaine Verte à Radio-Canada : “ L’UPA veut consolider les entreprises et faciliter l’accès de la relève aux terres agricoles“. Si l’objectif est louable d’autant que la valeur des terres aurait augmenté d’au moins 27 % seulement dans l’année 2012 au Québec, on peut se demander si la solution de la SADAQ est la bonne dans un contexte de monopole syndical ?
La Vie Agricole s’est entretenue avec Jacques Cartier lors de son passage au Salon de la Machinerie Agricole à Québec. Pour Jacques Cartier, il est clair qu’avec l’implantation d’une SADAQ : “On attaque directement le patrimoine des producteurs agricoles et même plus puisque tout propriétaire terrien, en milieu rural, même non agriculteur serait touché par les agissements de cette nouvelle structure“. (Voir l’entrevue complète en page 19)
Les terres agricoles doivent-elles rester un marché libre ?
La question est de savoir s’il faut accepter que le marché des terres agricoles reste un marché libre comme le marché immobilier peut l’être ou s’il doit être contrôlé par une structure d’État qui inévitablement fera chuter la valeur des terres. Les exemples à l’étranger sont criants de vérité : En France depuis la création des SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), l’hectare agricole ne vaut plus qu’entre 1500 et 4500 euros selon les régions alors que dans des pays opérants en marché libre comme en Allemagne on parle de 15 000 euros et en Belgique de 60 000 euros l’hectare.
Pour L’UPA le modèle SAFER est à suivre
L’UPA quant à elle défend l’implantation de divers bureaux régionaux SADAQ au Québec sur le principe de ce que la France a créé avec les SAFER pour structurer le marché des terres agricoles. Marcel Groleau écrit dans son éditorial de la Terre de Chez Nous du 29 janvier dernier : “ …comme le soulignait un deuxième rapport de l’IREC (Institut de recherche et d’économie contemporaine) …des expériences étrangères comme les sociétés françaises d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent nous inspirer“.
Le droit de préemption à l’origine d’un système locatif ?
Les défenseurs du libre marché voient dans le droit de préemption* dont disposerait la SADAQ lors de transactions financières, une entrave aux libertés. S’il est vrai que le droit de préemption en France n’a d’impact que sur 5 % des transactions, il ne faut pas nier que la menace de préemption est parfois plus dommageable que la préemption elle-même sur la valeur des terres.
En France seulement 25 % des producteurs agricoles sont propriétaires de leurs terres et l’on peut justement penser que la création des SAFER faite pour permettre aux jeunes agriculteurs d’accéder aux terres aurait eu l’effet inverse puisque les propriétaires fonciers ne pouvant plus espérer de plus-value pour leurs terres font souvent le choix de transmettre à leur succession qui privilégie alors la location des terres. On est alors loin du but recherché soit la transmission des terres agricoles aux plus jeunes et l’on se retrouve dans la même situation que lorsque la valeur des terres subit une spéculation.
Même si la SAFER peut avoir des effets positifs reconnus par certains, elle est aussi critiquée pour les favoritismes qu’elle engendre en France. Au Québec, sa jumelle la SADAQ, si elle doit exister n’aurait-elle pas plus de sens dans un environnement sans monopole syndical ? Plusieurs craignent un favoritisme excessif selon le lien entretenu ou non avec le syndicat. Peut-être que l’implantation un jour d’un tel système au Québec amènera les décideurs politiques à penser le mettre sous la surveillance de plusieurs syndicats ?
*Le droit de préemption est une procédure permettant à une personne publique (ex : collectivité territoriale) d'acquérir en priorité, dans certaines zones préalablement définies par elle, un bien immobilier mis en vente par une personne privée (particulier) ou morale (entreprise), dans le but de réaliser des opérations d'aménagement urbain. Le propriétaire du bien n'est alors pas libre de vendre son bien à l'acquéreur de son choix et aux conditions qu'il souhaite.