“On n’a pas fait travailler nos cerveaux très forts !“ Yvon Picotte

Au Québec, nous ne savons plus quoi faire avec nos terres agricoles.  On est chanceux car elles ont été protégées par le passé avec la loi de zonage et nous en avons à notre disposition. Sommes-nous devenus des incapables à régler nos problèmes? 

Selon certains ténors, il nous faudrait créer une SADAQ (société d’aménagement et de développement agricole du Québec) afin de protéger nos terres.  On n’a pas fait travailler nos cerveaux très forts puisqu’on essaie de copier ce qui se fait ailleurs.  On a tendance au Québec à agir ainsi. Mais souvent quand on copie ailleurs leur système, ceux-là mêmes que l’on copie, ont commencé à s’en débarrasser ou à le changer et parfois même à l’abolir.  Sommes-nous assez inventifs pour avoir nos propres solutions ?

Il faut dire que chez-nous, la terre est rattachée à l’histoire familiale. Cette terre nourrit la famille de l’agriculteur et assure sa sécurité à long terme en contrôlant son avenir.  Faisons une petite comparaison entre le Québec, les États-Unis et la France. Au Québec les agriculteurs sont propriétaires de leur terre à 80%, aux États-Unis on parle de 57% et finalement en France seulement 25 % sont propriétaires. Il est donc très important de tenir compte dans notre réflexion qu’au Québec on parle de valeur économique associée à la valeur identitaire. Ces deux concepts sont intimement liés.

Des investisseurs à l’approche habile

On assiste au Québec comme ailleurs à l’arrivée de compagnies à numéro qui sont des sociétés d’investissements avec beaucoup de piastres à investir dans des domaines d’avenir.  Comme l’humain doit se nourrir quotidiennement c’est sans doute un excellent domaine où les spéculateurs peuvent investir. Chez-nous, c’est déjà

commencé. La société PANGEA œuvre déjà dans les régions de Lanaudière, de l’Estrie, au Lac St-Jean et dans le Sud-Est de l’Ontario. C’est aussi le cas de Gestion AGRITERRA Inc  plus précisément dans la région de Bécancour en Mauricie  pour la production de la canneberge.  Il faut savoir que pour ces sociétés d’investissements « la terre,  c’est de l’or en barre» et comme il y a une hausse de consommation alimentaire, le Québec est beaucoup convoité.  De plus, comme nos terres sont propices à de la grande culture, elles sont encore plus convoitées et alléchantes. La façon d’approcher les agriculteurs est vraiment habile puisqu’on parle de cultiver en partenariat et même plus, comme c’est le cas de PANGEA où l’on va jusqu’à partager l’expertise.

La finance un danger ?

Un grand danger nous guette: nos plus belles terres risquent de tomber entre les mains de la finance.  Pour l’instant on vit deux extrêmes au Canada : le Québec qui est plus fermé à la spéculation et la Saskatchewan qui est plus ouverte à ce genre de société. MAX CROPO qui opère dans cette province attire beaucoup de clientèle asiatique. 

De plus, la moyenne d’âge des agriculteurs en Saskatchewan est d’environ 55 ans et les investisseurs se positionnent dans le cadre de la relève. Déjà la vie des petites communautés a changé et le sentiment d’appartenance tend à disparaître tranquillement et une certaine forme de régime féodal sera inévitablement de retour. Mais que voulez-vous le «money talk» est très fort !

Le modèle français SAFER, une menace

Parlons un peu de la France avec sa SAFER qui régit la location des terres agricoles. 75% des terres sont louées et 40% sont cédées aux jeunes.  Il y a bien sûr un droit de préemption étatique de rattaché à la transaction et  à mon avis ça représente une menace. Ça influence le prix de l’hectare, ça ouvre la porte au favoritisme et ça pourrait finalement aboutir à un système corrompu. Le statut de fermage comprend un bail de 9 ans et le prix est fixé par le gouvernement pour la location. Les tenants d’une SADAQ au Québec parlent de limiter le bail à 5 ans, ce qui m’apparaît beaucoup plus risqué.

Une attaque en règle du patrimoine des agriculteurs

A-t-on besoin d’une loi semblable au Québec? Une  SADAQ   avec des bureaux régionaux, un organisme avec un droit au premier acheteur et favorisant la relève.  Il ne faut pas oublier que le taux d’endettement des terres est très fort au Québec.  Je trouve qu’il s’agit là d’une attaque en règle  du patrimoine des agriculteurs. Nos agriculteurs ne seront plus maîtres chez eux et c’est à mon point de vue une forme d’étatisation malsaine. L’arrivée du gouvernement dans ce domaine n’est pas l’assurance du succès et n’empêchera pas les chicanes de régions. Il s’agit là d’un enjeu très émotif et l’expérience nous démontre que lorsque les enjeux sont fixés il n’est plus possible de reculer.  C’est le principe de la cage aux homards. Faut-il pour autant ouvrir la porte à l’arrivée de fonds d’investissements au Québec?  Laissons le libre marché s’exercer en gens d’affaires  responsables.  Personne et même pas l’UPA ne doit devenir le bras séculier du MAPAQ.

 

 

 

 

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