Les belles-mères ne sont pas toujours folles…

 Certains ont sans doute été étonnés ou ont même pu trouvé injuste l'analyse que j'ai faite récemment du déclin et des défis de l'Union paysanne à l'occasion de la tenue de son 14e congrès annuel à Saint-Germain-de-Kamouraska. La Vie agricole a titré, avec un clin d'oeil, « Roméo joue la belle-mère », et La Terre de Chez Nous, dans un article fort honnête, « Roméo Bouchard renie l'Union paysanne actuelle ». Le président Benoit Girouard a parlé de vendetta et lancé des chiffres non vérifiables mais n'a pas répondu aux questions de fond que j'ai soulevées touchant l'orientation et l'organisation.

 

Le non-congrès

Mais c'est surtout le bilan du congrès en question qui me paraît faire problème. Bien sûr, grâce à un recrutement de dernière minute à cotisation réduite et à un travail exceptionnel de l'équipe d'organisation du Kamouraska, dans l'est du Québec particulièrement, plus d'une centaine de personnes ont participé à la rencontre (et je m'en réjouis), des membres et des sympathisants, des jeunes surtout, qui « rêvent de s'établir sur une ferme ». Il n'en fallait pas plus pour que le communiqué officiel de l'Union paysanne annonce que la relève est là, que la reconnaissance de la contribution de l'Union paysanne par le ministre Paradis suscite déjà un nouveau souffle à l'Union, qu'une Aile jeunesse paysanne sera mise sur pied. Le retour à Saint-Germain, c'est réussi, mais le retour aux sources paysannes annoncé, c'est moins sûr. En effet, le communiqué passe complètement sous silence certains faits troublants. D'abord l'absence du président au congrès, annoncée à deux jours d'avis, pour des raisons de santé et de famille , et la métamorphose magique de ce qui devait être le 14e congrès annuel de l'Union, prévu par ses Statuts de syndicat professionnel, en une rencontre amicale, où apparemment aucunes propositions formelles n'ont été soumises par les représentants ni aucunes mises en candidatures pour l'élection des dirigeants, tel que le prévoient les Statuts. En somme, tout questionnement sur l'organisation interne du mouvement semble avoir été habilement écarté.

À moins d'être un néophyte dans le syndicalisme agricole et d'avoir ignoré le texte que j'ai publié, il est difficile d'être dupe des raisons invoquées par le président pour se soustraire à son obligation de rendre des comptes à ses membres lors du congrès officiel. Il ne semble plus être question non plus d'un éventuel autre congrès, spécial j'imagine, où on devrait discuter d'orientation, d'organisation et d'élection des dirigeants. C'est Maxime Laplante, vice-président, qui a servi de caution à cette opération de camouflage. Et comme la nature fait parfois bien les choses, il lui a été facile de laisser croire que je n'étais pas présent à la rencontre pour des raisons de santé, puisque j'étais effectivement hospitalisé! Tout cela mine du dedans la crédibilité et le rapport de forces de l'Union paysanne, au moment où elle devrait plus que jamais offrir une alternative syndicale forte.

Quant à la contribution de l'Union paysanne au débat sur l'agriculture dont a fait état le ministre Paradis, faut-il le rappeler et Maxime Laplante peut en témoigner, elle puise essentiellement dans le vieux fond de commerce de l'Union paysanne des premières années, que ce soit sur le monopole syndical, le soutien financier à l'agriculture, la gestion de l'offre, la mise en marché, la relève, l'accès à la terre, le zonage agricole, le sirop d'érable, la place du bio, les abattoirs, etc. Je le répète, le nom de l'Union paysanne est toujours aussi porteur : c'est l'organisation et le leadership actuels qui font défaut.

L'avenir de l'Union paysanne

Je veux bien croire que les jeunes sont moins portés aujourd'hui vers un syndicalisme corporatif de combat que nous l'avons été, mais avouons que les résultats d'une action douce, individuelle et apolitique se font attendre, quand on constate que la place de l'agriculture biologique ne dépasse pas 2% au Québec après 40 ans d'efforts (peut-être 5%pour l'agro-écologie), que 70% des aliments bio vendus sont importés et que ces pourcentages sont pratiquement plafonnés depuis 10 ans. Autant dire que l'agriculture Monsanto règne en maître pendant qu'on fait du bio artisanal entre nous. La situation actuelle a au moins ceci de bon cependant qu'elle laisse un peu de temps aux dirigeants actuels et à la jeune relève surtout, qui croient à la nécessité d'une Union paysanne renouvelée et forte, pour mettre au point les orientations, l'organisation, les structures, le leadership et l'esprit de famille qui lui permettront de représenter efficacement les tenants d'une agriculture et d'une alimentation paysannes écologiques de tout le Québec au cours des exercices auxquels le ministre Paradis convie les agriculteurs de toute allégeance aux cours des prochaines années.

Je le souhaite de tout cœur, et je répète que pour ma part, je continuerai à me battre contre l'agriculture productiviste et l'UPA, le MAPAQ et tout le lobby agroalimentaire qui la supportent.

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