Hélène Robert,agricultrice à «part entière»

Fille et petite-fille d’agriculteurs de Mirabel,  marquée par les figures fortes de sa mère et sa grand-mère, enseignante et syndicaliste engagées, Hélène Robert  croit profondément que «dans la vie, ce qu’on est au point de départ attire les expériences qui nous attendent». Rien d’étonnant  donc à ce que cette grande et élégante dame se soit retrouvée au cœur d’un combat qui a vu la femme en agriculture passer du statut de femme collaboratrice à celui d’agricultrice à part entière.

Nous étions au début des années 80. La jeune enseignante qui passait ses fins de semaine à visiter des fermes, habitée qu’elle était par le goût d’entreprendre, se retrouve propriétaire à 50% d’une entreprise pommicole à Saint-Joseph du Lac. Déjà, à une époque où il fallait qu’il y ait toujours un «boss» sur la ferme, en l’occurrence le mari, la ligne de conduite d’Hélène Robert était toute tracée. «J’ai beaucoup de respect pour les femmes qui se définissent comme collaboratrices mais, moi, je voulais être une productrice à part entière».

Elle se heurte rapidement à des lois et institutions qui, tout en reconnaissant le rôle essentiel de la conjointe sur la ferme, la laissent complètement dans l’ombre pour les choses sérieuses. Ainsi, la prime à l’établissement était versée à chacun des deux frères qui achetaient une ferme 50/50 mais une seule fois lorsque une couple faisait la même chose, comme si la femme n’existait pas.  Par contre, l’UPA exigeait que chacun des conjoints paie sa cotisation.  Chercher l’erreur…

Choquée par cette situation, Hélène Robert devient alors la seule femme membre du conseil d’administration de son syndicat de base puis représentante des femmes à la Fédération de l’UPA des Laurentides.  Elle se heurte rapidement à l'indifférence, sinon la méfiance de ses pairs.  «Ça fonctionne très bien comme cela…à quoi ça sert …, ça va faire de la chicane pour rien» se fait-elle répondre lorsqu’elle commence à brasser la cage.

Une époque charnière

Parallèlement, la jeune productrice qui s’est lancée dans la transformation et la distribution de ses produits pour joindre les deux bouts, rencontre de plus en plus de femmes qui pensent comme elle. «Nous étions vraiment à un tournant vers une agriculture plus préoccupée de la qualité des aliments, de la santé et de l’environnement. Ce tournant ne pouvait pas se faire sans les femmes parce que l’approche traditionnelle, dominante au sein de l’UPA, a toujours priorisé la production et le rendement», estime Hélène Robert. 

Il y avait évidemment beaucoup de résistance au sein de l’UPA «parce qu’on rentrait dedans pas à peu près avec nos méthodes de combat inspirées du mouvement syndical» se rappelle Hélène Robert.  Mais, il y avait en même temps un travail de fonds auprès des femmes avec des séances de formation pour qu’il y ait une prise de conscience sans laquelle, après le combat, tout redevient comme avant.

Comité national provisoire des femmes en agriculture, soutenu par Garon

Avec d’autres qui partageaient ce besoin de changement, elle prépare un mémoire sur le rôle et  la place des femmes en agriculture, mémoire qui sera présenté en commission parlementaire à Québec. De fil en aiguille, des comités de femmes en agriculture se forment dans les différentes régions du Québec, chapeautés par un Comité national provisoire dont Hélène Robert assume la présidence.

“Garon se faisait un malin plaisir d’embêter L’UPA“, Hélène Robert

Tout ce travail demande beaucoup d’énergie à un petit groupe de femmes engagées, avec plus ou moins d’appui des instances officielles.  «C’est certain qu’en 1984 si Jean Garon ne nous avait pas supportées avec une subvention de 120 000$, le mouvement n’aurait pas survécu», estime Mme Robert. Elle garde un souvenir très précis de cette rencontre.  Selon elle, M. Garon croyait sincèrement à la cause des femmes en agriculture mais, en même temps, cela lui faisait un malin plaisir d’embêter l’UPA.

Fort de cet appui, le mouvement a pu se structurer et  engager une première permanente pendant que le MAPAQ  se dotait d’une première répondante à la condition féminine.  Bref, les choses bougeaient mais peut-être bougeaient-elles trop vite ?

“Clair pour moi que l’UPA allait nous avaler !“, Hélène Robert

Lorsqu’en 1988, l’UPA a proposé la création d’une Fédération des femmes en agriculture en tant qu’instance nationale, Hélène Robert s’est en effet objecté parce qu’elle estimait que le mouvement était encore trop jeune et qu’il avait besoin de plus de temps pour développer sa propre culture. «C’était clair pour moi que l’UPA allait nous avaler». 

Défaite à cette occasion, Hélène Robert retourne à l’enseignement mais ne quitte pas pour autant le militantisme.  Présidente du Parti Québécois dans le comté des Deux-Montagnes, elle est candidate défaite en 1989 puis est élue en 1994.  Elle demeurera députée jusqu’en 2007, moment où elle a décidé de ne pas se représenter.

Même si elle n’a pas suivi de près l’évolution du mouvement des femmes en agriculture, elle demeure fière de ce qui a été fait pendant ces années charnières et est convaincue que les femmes, grâce à ce combat, occupent aujourd’hui plus de place en tant qu’agricultrices à part entière.

 

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