Le budget Harper 2015 est vraiment sans histoire pour le domaine agroalimentaire. En offrant quelques mesures incitatives à une partie de la classe moyenne, le budget présente ni plus ni moins une plateforme électoraliste pour le scrutin de cet automne.
Pour ce secteur, les budgets fédéraux se succèdent et se ressemblent. Depuis l’adoption du cadre stratégique quinquennale en 2013, Cultivons l’avenir 2, le gouvernement fédéral oublie à quel point le secteur agroalimentaire vit une véritable métamorphose ces dernières années, surtout dans le domaine de la transformation. Le Canada a vu plus de 140 usines alimentaires de transformation fermer leurs portes depuis 2007, une perte d’emploi qui dépasse les 25 000. Le cadre stratégique n’offre que 3 milliards $ CAN sur 5 ans. En comparant celui-ci aux 100 milliards de dollars US par année du Farm Bill américain, le cadre n’impressionne guère. Avec une somme aussi modeste, un réalignement des priorités est toujours nécessaire, mais se fait attendre.
Une somme d’un peu plus de 30 millions $ CAN sera consacrée à promouvoir les produits agroalimentaires ainsi qu’à rehausser le niveau de compétitivité à l’étranger. Fidèle à lui-même, le gouvernement Harper mise davantage sur le commerce international sans nécessairement reconnaître les spécificités propres au domaine agroalimentaire. Il existe tellement de produits, que l’influence du budget une fois réparti sera vraisemblablement négligeable. À titre de comparatif, les Américains dépensent environ la même somme pour faire la promotion d’une seule denrée, la canneberge. Imaginez !
Pour les bonnes nouvelles, certains peuvent se réjouir. Les agriculteurs, par exemple, verront l’exemption des gains en capital à vie passer à 1 million de dollars. C’est bien sûr une bonne chose pour la relève agricole à la recherche d’avantages fiscaux. Mais la meilleure annonce est certes la réduction du taux d'imposition des petites et moyennes entreprises (PME). Pour le Québec surtout, le rôle des PME dans le secteur agroalimentaire est d’une importance capitale. Le taux passe désormais de 11 % à 9 %, une mesure qui aidera les agriculteurs ainsi que les entreprises agroalimentaires modestes qui tentent de se tailler une place sur le marché.
Le budget ne fait aucune mention des problèmes causés par les changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Depuis avril, les changements apportés au programme affectent plusieurs entreprises agroalimentaires aux prises avec une pénurie de main-d'œuvre et le budget n’offre aucune mesure compensatoire. Puisque les entreprises doivent maintenant se départir de leurs employés étrangers après 4 ans, les coûts pour le recrutement et la formation en entreprise augmenteront pour plusieurs. Décevant.
Outre le secteur agroalimentaire, le plus grand élément oublié du budget est celui relié aux changements climatiques. D’ailleurs, comme avec l'agriculture, ces mots n’ont pas été prononcés une seule fois dans le discours du ministre. S’il existe un secteur économique assujetti aux aléas de Dame Nature, c’est bien l’agriculture. Avec la méga-sécheresse qui prévaut sur la Californie ces dernières années, une approche préventive et bien orchestrée d’irrigation d’eau et de maintien des sols pour le Canada est primordiale. Le budget n’offre rien de concret.
Pour l’industrie agroalimentaire, le budget 2015 ne suggère aucune piste qui pourrait mener les entreprises de ce secteur vers de grands changements. Ce budget servira à gagner les élections pour les conservateurs, point, et cette stratégie pourrait même bien fonctionner. Un budget équilibré, baisses d’impôt pour les entreprises, paiements pour les familles, bref, un joli portrait en surface. Pour les électeurs qui n’apprécient pas du tout la vision du gouvernement Harper depuis 2006, avec une opposition qui s’effrite peu à peu, c’est en soi une très mauvaise nouvelle.