Sans la présence officielle du Canada, l’exposition universelle de Milan arbore cette année le thème « Nourrir la Planète, Énergie pour la Vie », mais c’est dans la chamaille qu’elle a débutée le mois dernier. Milan étant ce qu’elle est, l’une des capitales internationales de la mode, plusieurs manifestants ont exprimé leur désarroi à l’égard de l’élitisme et l’extravagance des cérémonies d’ouverture alors que plusieurs citoyens de la terre souffrent d’insécurité alimentaire.
D’ailleurs lors de cette cérémonie, même le pape François, très concerné par la cause des pauvres, a fait allusion au paradoxe de l’abondance que véhicule l’Exposition universelle. À la lumière de ce que l’on voit sur le site en visitant l’exposition, les contestataires ont peut-être raison.
D’abord, les organisateurs ne cachent aucunement le fait que McDonald’s et Coca-Cola sont des commanditaires majeurs de l’événement. Leurs logos se retrouvent partout, et ce, en territoire européen où le modèle de la restauration américaine est plutôt lourdement contesté. Les pays émergents en quête de solutions pour nourrir leur peuple se demanderont manifestement en quoi ces entreprises peuvent les assister. En principe, une exposition universelle est censée être une manifestation de nature non commerciale qui vise surtout à interpeller l’ensemble des pays et citoyens du monde sur une problématique actuelle et complexe. La faim est un sujet qui mérite une attention particulièrement mûrie, à l’écart des distractions mercantiles.
De plus, en visitant quelques pavillons, le thème de la foire semble influer sur différents aspects. D’un côté, les Britanniques et les Français exhibent leur savoir-faire gastronomique en présentant leurs plus grands chefs. Les Américains, quant à eux, valorisent la bouffe de rue, à l’image de ces camions et comptoirs mobiles que l’on retrouve au centre-ville de Montréal ces dernières années. Il va sans dire, l’argument de marier les thèmes de l’alimentation et du développement durable avec une telle exposition reste flou.
Quant à l’architecture par contre, Milan impressionne. Le pavillon du Royaume-Uni emprunte la forme d’une ruche d’abeilles, un concept visuel resplendissant. De plus, une ferme verticale de plusieurs mètres carrés se retrouve sur le site, une autre image remarquable. Dommage que tout sera démoli à l’automne après la clôture de l’exposition… faisant faute, une fois de plus, du thème sur le développement durable. Bref, Milan honore peut-être un thème ou deux, mais ce n’est certes pas celui de l’insécurité alimentaire.
Certains pourfendeurs des « Olympiques économiques » croient bien que les choses ont beaucoup changé depuis l’Exposition universelle de 1967 à Montréal, que l’impact d’un tel événement n’est plus aussi significatif et que le choix d’un thème est purement accessoire. Ces protagonistes prétendent que la globalisation de nos modes de vie et la technologie moderne ont eu le meilleur de ces méga-foires qui se déroulent tous les 5 ans. Possiblement, mais en 2010 Shanghai a accueilli plus de 70 millions de visiteurs. C’est 20 millions de plus qu’en 1967 à Montréal. L’intérêt et l’intrigue existent toujours même si le doute persiste sur la portée sociotechnologique et économique de ces happenings.
Il n’en demeure pas moins que les expositions universelles attirent surtout l’attention d’une clientèle domestique et sensibilise une population captive importante. La plus grande portion des visiteurs à Milan sera italienne, tout comme à Shanghai où 90 % des visiteurs étaient d’origine chinoise. L’objectif premier de ces expositions se base sur des intérêts égocentristes. Pour les Italiens, les enjeux sont surtout la fierté et la volonté de se moderniser. L’objectif d’une alimentation pour le globe entier passe clairement en deuxième. Ce n’est pas un secret pour personne que l’économie italienne agonise. Les Italiens espèrent utiliser l’Exposition universelle comme une tribune afin de convaincre le monde que l’ère de la corruption est bel et bien derrière eux. Mais tout cela n’a rien à voir avec la pauvreté et le manque de nourriture dans certaines régions du monde, loin de là.
Pour conclure, bien que les expositions universelles aient toujours un rôle important à jouer pour le tourisme, le thème retenu par Milan a été vraiment mal choisi. Pour tous ceux à la recherche de solutions à la faim dans le monde, vous risquez de quitter Milan déçus, tout en vous contentant de belles photos d’un Big Mac et d’un Coke.
Sylvain Charlebois, Université de Guelph.