Investissez-vous dans vos organisations

La Vie agricole est allée à St-Camille le 15 septembre dernier à la rencontre d’un ex-président de L’Union des producteurs agricoles, Jacques Proulx, qui a mené la destinée du syndicat pendant plus de douze ans. Il n’a pas hésité à nous parler franchement de sa vision de l’agriculture en faisant preuve d’une analyse réaliste face à la situation qui prévaut, quitte à déplaire au sein de l’organisation pour laquelle il garde un grand respect.

Trop de vision économique dans l’agriculture ?

Alors que nous l’interrogions sur ses propos tenus dans La Tribune, où il encensait la grandeur politique de M.Parizeau et le manque de vision culturelle et sociale en agriculture de nos jours, il nous a expliqué :“ Tout est devenu trop corporatif. L’agriculture doit être vue dans tout son rôle. Oui économique mais aussi social et culturel. À cause de la concentration dans quelques mains, les agriculteurs n’ont plus la même influence.“

Critiqué par Garon et Gélinas !

Dès le début de l’entrevue nous lui évoquons les propos de l’essayiste Jacques B.Gélinas dans L’Aut’journal qui le critiquait pour son virage néolibéral lors de sa présence à la présidence de l’UPA et lui lisons un extrait de la chronique signée Jean Garon en novembre 2013 dans La Vie agricole* où celui-ci parlait de trahison de sa part, il s’exclame : “ Gélinas peut dire ce qu’il veut. Mais la vérité est loin de cela. J’ai toujours défendu la ferme familiale. La force de M. Garon était de refaire l’histoire à son compte. Moi, je vous dis, que j’ai toujours critiqué l’intégration. La vérité, c’est que l’UPA est une confédération de productions qui ont toutes leur indépendance. Il y a l’évolution qui nous amène là où on est. Mais on doit se tenir droit debout dans nos bottes pour sauver l’agriculture de l’intégration. Si on nous vend l’intégration comme étant une économie d’échelle, alors il faut arrêter de payer comme contribuables pour les compagnies des millions de dollars par an. Si la population savait cela, ce serait une révolution !“

La gestion de l’offre, un système mal compris

Sur le sujet brûlant de la gestion de l’offre menacée par les importations de protéines laitières en provenance des USA et l’inaction de L’UPA et de la Fédération du lait avant que les producteurs ne les réveillent, il déclare : “ Je ne suis plus là à L’UPA mais les agriculteurs ont complètement raison de se plaindre. Le bouleversement actuel crée une pression énorme pour libérer le plus possible les marchés. Pourtant la gestion de l’offre est un modèle extraordinaire mal compris. Mais, il faut comprendre qu’avec la mondialisation, on ne peut pas à la fois vouloir vendre les surplus à l’extérieur à l’infini et empêcher des produits de rentrer sur nos marchés. On a juste oublié d’adapter les politiques agricoles que ce soit en terme de zonage ou de gestion de l’offre.“

“Dans le syndicalisme, l’intégrisme ne sert à rien !“

Et plus précisément pour ce qui a trait à la relation agriculteurs/UPA il dira :“ Ce que je sais, c’est que de mon temps, il y avait une transparence extraordinaire à L’UPA! Là on dirait qu’ils ont peur d’avoir peur ! “ Et il ajoute  sans hésitation :“ La formule de l’avenir passe peut-être par le pluralisme syndical en agriculture. Ça ne me choque pas ! Mais l’UPA n’a pas à être inquiet. Là, il est temps de créer un consensus des forces pour défendre l’agriculture et rien ne dit que plusieurs syndicats ne peuvent pas s’unir.“ Et il martèle : “ Il y a une réalité qui est là. Pourquoi la nier ! Je ne suis pas pour la formule Crois ou meurs. L’intégrisme ne mène à rien !“

Paradis deviendra-t-il un grand ministre ?

Nous lui avons alors demandé si le ministre Paradis vu la situation qui se complexifie en agriculture doit organiser un sommet pour assoir tous les partenaires.“ Il est grand temps. Il n’y a plus de politique agricole. Depuis Garon, on a eu des ministres couci-couça. Et ça ne bouge pas vite non plus depuis Paradis. C’est sûr que cela prend une grande messe sur l’avenir de l’agriculture. Paradis a l’occasion de démontrer dans les prochains mois s’il deviendra un grand ministre.“

“Pas de solution par la SADAQ“

“ Je ne suis pas pour les SADAQ. C’est pas bon de tout contrôler. On est dans une société libre. Je le répète, il faut intervenir dans le politique pour en assouplir certaines comme le zonage agricole ou la gestion de l’offre. C’est comme dans l’assurance de stabilisation, le remboursement par tête de porc ça n’a pas de bon sens. Il ne faut pas oublier qu’on est dans une société de droit.“

Sur la raison du maintien de l’aide qui perdure auprès des intégrateurs dans le porc et du silence sur les importations de protéines laitières, quand nous lui demandons si cela peut avoir un lien avec le financement des partis politiques, il nous dira : “ Il se peut effectivement qu’il y ait des forces derrières cela!“

Sur le dossier de l’Érable : “ Il faut arrêter de vouloir tout contrôler!“

“ Je ne sais pas qui a raison entre la Fédération et les fautifs mais l’agence de vente ne marche pas. Il est vrai qu’un plan conjoint pour que cela marche doit intervenir sur la totalité du produit mais il faut être à l’écoute. C’est comme la gestion de l’offre 2.0 de l’Union Paysanne que j’ai fièrement signée qu’il faut penser. Il faut arrêter de vouloir tout contrôler.“

Sur les expos : “ Le départ de Québec, une idée folle et stupide!“

“ Leur importance est toujours de mise. Elles valorisent le rôle des agriculteurs.“ Quant au départ du jugement d’animaux de Québec, il ne le comprend toujours pas.“ Québec avait les infrastructures et le bassin de population pour. Ce n’est pas comme dans une petite ville. La décision du départ de Québec du jugement des animaux est folle et stupide.“

Déclaration aux jeunes agriculteurs : Attention aux bureaucrates !

“Aux jeunes de la relève, je leur dirai : Investissez-vous. Il faut s’occuper de ses affaires et de ses organisations. Quand on laisse les organisations à des bureaucrates, ça donne le résultat que ça donne.“

 

Qui est Jacques Proulx?: Né à Saint-Camille le 28 avril 1939, Jacques Proulx est agriculteur en Estrie et a été président général de l'Union des producteurs agricoles de 1981 à 1993. Premier vice-président de la Fédération canadienne d'agriculture, durant six ans, réélu six fois à la tête de l'UPA, producteur laitier et éleveur d'agneaux et moutons, il descend d'une longue lignée d'agriculteurs et d'agricultrices. Il s'est engagé dans le syndicalisme agricole pendant près de 30 ans, occupant divers postes électifs tant dans sa région qu'au niveau provincial et national.(source : Ordre national du Québec)

*L’UPA complice de la disparition du modèle québécois.

“Quand l’UPA avec Jacques Proulx avait manifesté à Québec en compagnie de la Coopérative Fédérée pour réclamer que l’assurance-stabilisation des revenus agricoles dans le porc qui avait été réservée exclusivement à la production familiale indépendante soit accessible autant à la production intégrée qu’à la production familiale indépendante, j’avais compris que l’UPA trahissait ses origines et que le modèle de la ferme familiale indépendante n’était plus le modèle défendu par les grands acteurs agricoles au Québec.  Depuis, L’UPA assiste “courageusement” et silencieusement à la disparition du modèle québécois de la ferme familiale indépendante au profit de son monopole syndical bureaucratique.“

Extrait de La Vie agricole / Novembre 2013 / Chronique de Jean Garon

 

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