Le bordel diafiltré

Depuis quelques jours, c’est l’anarchie dans le domaine de l’industrie laitière. L’histoire du lait diafiltré fait des vagues un peu partout au pays. Alors que l’Ontario a déjà réagi en assouplissant certaines règles au régime restrictif de la gestion de l’offre, les producteurs laitiers québécois agonisent, manifestent et critiquent l’inertie d’Ottawa. Bien que le secteur laitier soit dans une période de crise, il n’en demeure pas moins que les producteurs laitiers sont les seuls à blâmer pour le bourbier dans lequel ils se retrouvent. 

D’abord, il faut préciser que le lait diafiltré, aussi connu comme des protéines laitières, sert à produire plusieurs produits laitiers que nous consommons. L’inconvénient est que ces produits proviennent des États-Unis. Depuis un an, les transformateurs laitiers tels que Parmelat, Saputo et la coopérative Agropur ont importé pour plus de 200 millions de dollars de lait diafiltré. Ce qui est énorme.

Au cours des dernières années, l’intérêt pour l’importation du lait diafiltré s’est accentué, puisque le prix du lait à la ferme sur le marché mondial est plus que trois fois moins cher que le lait industriel canadien. De plus, la demande pour le lait est en mutation au Canada. Ainsi, les consommateurs diminuent leur consommation de lait, mais augmentent davantage celle pour le beurre et le yogourt et pour en fabriquer, il faut produire plus de crème. Or, avec le système de quotas qui contraignent les producteurs laitiers à produire un certain volume, il s’avère qu’il y a un manque de crème au pays. Toutefois, le lait diafiltré vient à la rescousse de la transformation qui désespère à répondre à une demande erratique. 

Bien sûr, cela se passe malgré notre système de quotas et de tarifs à l’importation, la gestion de l’offre. Le principe de base de la gestion de l’offre est de produire ce que nous avons besoin au pays. C’est un principe simple, mais la réalité des marchés internationaux est tout autre. En effet, sur le plan de la gestion de l’offre, le lait diafiltré est considéré comme un ingrédient à la frontière, ce qui permet aux importateurs d'échapper aux tarifs douaniers imposés au lait. Bref, les importateurs contournent les règles frontalières qui protègent les détenteurs de quotas au pays.

D’autres qu’Agropur ont opté pour l’honneur !

Essentiellement, le marché laitier indique que la gestion de l’offre est sur le point d’imploser. Le prix du lait industriel étant très élevé comparativement à l’international qu’il est devenu pratiquement impossible pour nos transformateurs d’ignorer la situation. Même chez Agropur, une coopérative qui appartient à des producteurs laitiers qui détiennent des quotas, on y importe du lait diafiltré. Bref, les producteurs laitiers qui profitent de la protection de la gestion de l’offre font preuve d’une sournoiserie qui frôle l’insulte pour l’ensemble des Canadiens. Gay Lee, en Ontario, une autre coopérative qui appartient à des producteurs laitiers, ont opté pour l’honneur en n’important pas de lait diafiltré.

Souvenez-vous que les producteurs laitiers, notamment au Québec, ont soutenu pendant plusieurs années, qu’il ne fallait pas toucher à la gestion de l’offre. Cependant, alors que la planète avançait, à l’exception de quelques petits changements anodins, l’immobilisme a été la stratégie privilégiée de la Fédération des producteurs de lait du Québec (FPLQ) et avec les accords de libre-échange avec l’Europe et le Partenariat Transpacifique (PCP) qui seront vraisemblablement ratifiés d’ici quelques années, la situation ne fera qu’empirer.

Somme toute, au Canada, même si le secteur mérite une vision à long terme pour l’industrie laitière, chose qu’Ottawa peine à offrir, il en résulte que les producteurs laitiers sont principalement responsables de ce conflit. Bien sûr, l’étendue de cette vision doit rejoindre à la fois la production, la transformation, la distribution, le détail ainsi que la restauration, mais un parchemin économique pour le secteur n’aura aucune signification et sera aucunement en mesure d’offrir un avantage concurrentiel tant nécessaire pour sa survie.

Ainsi, avant d’exiger l’aide des contribuables, les producteurs laitiers du Québec ont maintenant une dette envers la population et doivent expliquer les raisons pour lesquelles ils n’ont rien fait pour ouvrir notre marché au reste du monde durant toutes ces années.  

Crédit photo; TFO

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