Plusieurs événements récents ont mis en lumière le fouillis dans l’abattage au Québec. Selon l’Institut-Jean-Garon, ce chaos milite plus que jamais en faveur de la tenue d’une conférence socio-économique spéciale afin de mettre de l’ordre dans ce secteur stratégique de l’économie agricole québécoise.
Cette formule a donné d’excellents résultats sous Jean Garon qui en a tenu une vingtaine sur des sujets aussi divers que l’élevage porcin et la culture des petits fruits. Ces rencontres ont été la base d’un ensemble de politiques agro-alimentaires allant au-delà des grandes généralités pour s’incarner dans des mesures et engagements précis, pas seulement du gouvernement mais aussi de tous les joueurs.
Une telle conférence pourrait réunir autour du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation les grands acteurs que sont les éleveurs, les abattoirs et les distributeurs mais aussi tous les autres intervenants, vétérinaires, banquiers, spécialistes de l’alimentation animale, camionneurs, propriétaires d’encans, grossistes, chaînes d’alimentation, restaurateurs et, bien sûr, les consommateurs.
« Dix ans après le Rapport Pronovost, le Québec a effectivement besoin d’une politique bio-alimentaire globale digne de ce nom et la démarche entreprise en ce sens par le gouvernement est louable et nécessaire », estime l’Institut. Toutefois, la grande politique ne doit pas empêcher de chercher des solutions concrètes à des problèmes urgents.
Un secteur en déclin
Après des années de rationalisation qui ont vu une multitude de fusions et regroupements autour de quelques géants à l’échelle de l’Amérique du nord, un coup très dur a été porté en 2012 au secteur des viandes québécois avec la faillite de l’abattoir Colbex-Lévinoff de Saint-Cyrille, près de Drummondville. Depuis, la quasi-totalité des 120 000 vaches de réforme que produit le Québec chaque année doivent être transportées sur plusieurs milliers de kilomètres vers la Pennsylvanie ou le sud de l’Ontario, dans des conditions pénibles, au mépris des exigences du confort animal et à des coûts exorbitants pour les éleveurs et, ultimement, les consommateurs.
Pour les bouvillons d’abattage, le portrait n’est guère plus rose alors que ne subsistent plus que quelques abattoirs sous inspection fédérale ou provinciale, souvent des établissements multi-espèces incapables de répondre au potentiel de croissance du secteur au Québec.
Cul-de-sac au Témiscamingue
Cette situation crée des vides flagrants, comme dans la région du Témiscaminque, une des plus propices au Québec pour l’élevage de bouvillons. La région s’est mobilisée récemment pour dénoncer le fait que les éleveurs restants doivent faire transporter leurs bêtes sur près de mille kilomètres aller-retour au coût de 450 $ par tête afin de pouvoir approvisionner épiceries et restaurants en viande locale.
Un abattoir situé en Ontario à quelques kilomètres de la frontière serait pourtant en mesure de régler le problème mais les règles interprovinciales ne le permettent pas.
Les abattoirs de proximité : comment s’y retrouver?
Les éleveurs du Témiscamingue se sont fait refuser une exception qui leur aurait permis d’avoir recours à un abattoir de proximité très correct mais qui n’a pas les moyens d’investir pour atteindre les normes exigées des abattoirs industriels. Le résultat concret est que l’abattage à l’ancienne, au bout de la grange, se pratique dans la région et que cette viande non inspectée circule largement sous le manteau.
Pendant ce temps, des médias rapportent qu’un abattoir de proximité appartenant au député libéral de Montmagny aurait bénéficié d’un traitement de faveur en multipliant les infractions sans pénalités.
Enfin, les éleveurs artisans qui souhaitent pouvoir abattre à la ferme quelques poulets, lapins et autres petits animaux pour vendre directement aux consommateurs désireux d’avoir accès à des viandes produites en dehors du système industriel, se font systématiquement refuser le droit d’opérer. Le cas récent de M. Dominique Lamontagne, auteur et militant de l’agriculture artisanale, est emblématique à cet égard[1]
Ces multiples situations, toutes plus problématiques les unes que les autres et allant du macro au micro, illustrent un fouillis unique parmi tous les secteurs de l’agriculture québécoise, alors qu’on a à faire à un potentiel inutilisé de centaines de millions de dollars et de milliers d’emplois.
[1] Voir le communiqué de presse de l’Institut Jean-Garon du 15 septembre 2017