Nous avons entendu parler du cartel du lait, de l’érable et maintenant celui du pain refait la manchette. Il y a quelques années, l’industrie du pain était à l’origine d’un simili schème de fixation de prix au détail. L’enquête du Bureau de la concurrence sur la possible collusion entre les distributeurs au sujet des prix du pain au détail en fait sourire plusieurs, car cette enquête n’aboutira pas à grand-chose étant donné qu’il est difficile de démontrer hors de tout doute que les distributeurs enfreignent la Loi de la concurrence. Malgré cela, il existe un problème au sein de l’industrie, une situation qui dépasse nettement la section de la boulangerie d’un magasin.
D’abord, il faut bien comprendre qu’il est difficile de croire que les consommateurs se font bernés par des prix abusifs du pain. Outre les années 2008 et 2009 où le prix avait augmenté de plus de 25 % en raison du coût des denrées agroalimentaires, le prix du pain reste relativement stable depuis 5 ans. En effet, le prix du pain en moyenne a même diminué depuis quelques mois. Les consommateurs optent pour du pain de qualité ces derniers temps et les détaillants, quant à eux, utilisent le pain de moindre qualité comme produit d’appel. Malgré tout, les prix n’augmentent pratiquement pas.
Le prix du pain augmente généralement en raison de facteurs macroéconomiques qui affectent l’ensemble de la chaîne, tels que le prix des denrées agroalimentaires, le coût de l’énergie et de la main-d’œuvre. L’ensemble de l’industrie doit composer avec les aléas de notre économie. Alors si les prix augmentent systématiquement, ce n’est vraisemblablement pas en raison d’une stratégie illégale.
Mais le choix judicieux du pain devient tout aussi intéressant que l’annonce de l’enquête. Sous-jacentes aux accusations de fixation de prix, se trouvent des tensions réelles au sein de la chaîne d’approvisionnement. Une guerre ouverte qui dure depuis des années entre les distributeurs et les transformateurs, où les grands de la distribution ne se gênent pas pour faire la vie dure aux transformateurs (facturation rétroactive, délais pour les comptes à payer).
Cependant, les plus petits détaillants n’ont pas cette possibilité puisqu’ils ne possèdent pas le pouvoir d’achat des grands. Cette situation est bien documentée, au point où certaines lettres ont été partagées avec les médias. Toutefois, la cause des transformateurs et des petits détaillants n’intéresse personne. Transformateurs et petits détaillants vexés par la stratégie d’intimidation des grands tentent tant bien que mal d’influencer l’opinion publique, mais sans résultat. Le Bureau de la concurrence a surveillé de près la situation et n’a pas pu faire grand-chose.
Découragés par ces résultats, ils ont visiblement opté pour une autre approche : cibler le pain, un produit acheté de façon régulière par plusieurs consommateurs. D’un seul coup, le Bureau de la concurrence a politisé une situation qui pour le commun des mortels demeure obscure et incompréhensible. Ce n’est donc pas un hasard si l’Association des détaillants en alimentation endosse les efforts du Bureau de la concurrence et se retrouve derrière les filons d’information offerts au Bureau.
Afin de faire bonne figure, les distributeurs y sont allés à coups de communiqués de presse permettant à la nouvelle de l’enquête du Bureau de la concurrence de s’étaler à la une. Jusqu’à maintenant, le Bureau se fait toutefois avare de commentaires.
Si un cartel existait dans le pain, plusieurs autres produits subiraient l’influence d’un tel stratagème. Un magasin type peut contenir au-delà de 35 000 produits, alors plusieurs choses peuvent se produire. Mais les entreprises agroalimentaires, au détail ou autre, savent que berner les consommateurs consiste en une solution qui mène toujours vers l’échec. Chose certaine, attendez-vous à des rabais dans la section de la boulangerie ! Les grands de la distribution alimentaire voudront rassurer les consommateurs en démontrant que leurs produits sont peu chers. Alors l’enquête profitera aux consommateurs à très court terme.
À plus long terme, cette guerre entre les grands, les transformateurs et les indépendants du détail alimentaire doit cesser. Une pluralité à tous les niveaux au sein de la filière agroalimentaire est souhaitable et demeure la seule façon pour les consommateurs d’en sortir gagnants.