Après le passage timoré de Claude Gagnon, pdg du quotidien Le Soleil, qui a dévoilé en commission sur l’avenir des médias hier que le fonds de retraite des employés est déficitaire de 65 millions de dollars, Pierre-Karl Péladeau, président et chef de la direction chez Quebecor, détenteur des quotidiens ‘’Journal de Montréal’’ et ‘’Journal de Québec’’ entre autres, s’est présenté dans toute sa force et sa détermination tel le Roi-Soleil des médias du Québec. Il était en feu !
Pourquoi le Roi-Soleil ?
Pierre-Karl Péladeau brille lorsqu’il prend la tribune, et il est vrai que l’empire qu’il a créé tourne en orbite autour de lui tant il est présent dans l’espace public contrairement à d’autres patrons de presse. Et oui dans son domaine, il est au-dessus des autres et il l’a démontré en expliquant sa vision lors des lock-out pour lesquels il a été tant critiqué dans les années passées ! Lui a agi et il est encore là, financièrement solide ! Et qui peut prétendre parler médias au Québec sans jamais évoquer Pierre-Karl !
Le Roi-Soleil est le surnom donné au roi de France Louis XIV dont l'emblème était le soleil. Il n’est pas le pire des rois qui ont dirigé la France loin de là! Et le soleil est l'étoile autour de laquelle gravitent des planètes. Un peu comme l’écosystème de Quebecor.
Pas besoin d’argent public !
Bref, revenons à la commission! Ce qui a détonné au-delà de la personnalité de Pierre-Karl Péladeau c’est sa présentation, qui contrairement aux autres groupes passés tout au long de la semaine au salon rouge, a démontré que l’État ne doit pas intervenir financièrement dans le redressement des médias du Québec.
Il a fait la démonstration qu’un journal c’est une entreprise qui, comme les autres, doit faire des profits. On était loin des valeurs défendues juste avant lui par Pierre Elliott Levasseur, président de La Presse, qui semblait promouvoir la nouvelle mouture OBNL ( Organisme à but non lucratif) de son organe de presse. On est aussi très loin des arguments entendus par les uns et les autres pour défendre que l’information est un bien public… donc subventionnable ! Reste à voir ce que feront de tout cela les députés de la commission sur l’avenir des médias !
Et la philanthropie dans les médias ?
Les représentants du journal La Presse se sont félicités que la formule gratuite de La Presse rejoigne 63 % de la population adulte francophone du Québec et ont soutenu que hormis les aides de l’État, la philanthropie est aussi une voie d’avenir pour les médias. Un Nouveau Monde s’ouvrirait, mais quelle garantie que ces dons, s’ils ne viennent pas des lecteurs eux-mêmes, ne soient des portes grandes ouvertes à l’influence ?
Pierre-Karl, fier de la concentration de la presse
Pierre-Karl Péladeau a aussi rappelé au cours de sa présentation que son père a créé des journaux pour les lecteurs et les lectrices pas pour les journalistes ! Et il ne s’est pas gêné au passage pour rappeler les conditions extrêmement avantageuses dont ont longtemps bénéficié les journalistes ( semaine de 32 heures en 4 jours, six semaines de vacances par année, etc).
« Un journal ce ne sont pas juste des journalistes», a-t-il précisé.
Inutile de vous dire que le représentant de la FTQ assis à côté de moi (un ancien du Journal de Québec) soupirait fort à entendre son ancien boss y aller de la sorte.
Pierre-Karl Péladeau a par la suite assumé « La concentration de la presse, c’est un modèle efficace», rappelant qu’il n’est pas nécessaire par exemple d’avoir 3 photographes pour faire une même photo qui peut se retrouver sur plusieurs plateformes.
Et les régions dans tout ça !
Questionné par Louis Lemieux, député caquiste, sur le modèle que doivent adopter les hebdos face à la convergence, Pierre-Karl Péladeau a précisé que ce sont les commerces locaux qui doivent soutenir les hebdos. Il a ensuite expliqué s’être retiré dans certaines régions lorsqu’il avait des hebdos laissant ainsi la place aux gens d’affaires du coin. Ce dont je peux témoigner puisque lorsque j’étais éditeur en région, à Montmagny, Pierre-Karl Péladeau a accepté de fermer Le Peuple Côte-Sud, qui était une institution dans son groupe, pour laisser place à la coopérative de presse que je dirigeais, L’Oie blanche, propriété des commerçants des MRC de Montmagny et de L’Islet. Un hebdo doit effectivement vivre de sa force locale !
Lorsque la députée libérale, Isabelle Mélançon, s’est inquiétée de comment assurer la diversité de la presse et la pluralité des opinions, le président de Quebecor a rétorqué : « On n’a toujours pas d’éditorial dans les journaux de Quebecor, mais de la pluralité oui par la présence de chroniqueurs variés provenant de syndicats, de la partie patronale. On a des souverainistes, des fédéralistes ».
Un dernier uppercut avant de partir !
Le clou de la présentation de Pierre-Karl Péladeau s’est déroulé entre lui et la députée solidaire, Catherine Dorion, qui après avoir expliqué ses péripéties de blogueuse au sein de Quebecor, où elle dit ne pas avoir eu toutes les marges de manœuvre souhaitée dans ses rédactions, s’est fait répondre par un Pierre-Karl Péladeau très sûr de lui, tel un uppercut : « Je regrette que vous utilisiez la commission pour vous donner en spectacle».