Réflexion sur l’autosuffisance : l’intégration un bon modèle financier, mais pas un bon modèle économique!

La pandémie nous a amenés à réfléchir sur les concepts d’autosuffisance, de sécurité alimentaire, et de développement durable des concepts quelque peu oubliés. L’agriculture est devenue un sujet d’intérêt. Quelle sera l’agriculture de demain, bien difficile à dire ! Pourtant les spécialistes nous prédisent moins de fermes, des fermes plus grosses, plus corporatives et moins familiales. La tendance de ces dernières décennies semble donner raison à ces spécialistes. Pourtant, ils ont peut-être tort, ce modèle de production s’essouffle en occident, et de gros enjeux le rattrapent, la main d’oeuvre spécialisée de plus en plus difficile à trouver, les pratiques durables, et leur dépendance aux subsides gouvernementaux sont quelques-uns de ces enjeux.

La ferme familiale semble beaucoup plus apte à répondre à ces concepts d’autosuffisance et de développement durable que la ferme corporative (sous régime coopératif ou privé). La ferme familiale a bien changé : aujourd’hui un noyau familial, composé de plusieurs personnes, produit beaucoup plus qu’il y a 50 ans. La ferme de 20 vaches est devenue 100 vaches, la porcherie de 50 truies est devenue 300 truies et une terre de 100 arpents est devenue 600 arpent. Et c’est toujours la même famille qui la fait tourner. La différence c’est la technologie qui a évolué, c’est aussi la capacité d’utiliser ces technologies qui ont permis à cette ferme familiale de devenir plus productive et c’est cette même technologie qui fera progresser ces fermes dans le futur.

La clef : le centre de décision au cœur de la famille

À la différence des fermes corporatives, le centre décision et d’action de la ferme familiale est situé au cœur de sa famille et de son fond de terre. La réussite passe par une valorisation accrue de toutes ses ressources : humaines, matérielles et foncières.  Cette valorisation des ressources est une des meilleures garanties en autosuffisance, car la ferme est beaucoup moins dépendante de chaines d’approvisionnement extérieures, par la valorisation de sa main-d’œuvre familiale elle est beaucoup plus à l’abri de pénurie de main-d’œuvre. Elle peut assurer à son tour une plus grande stabilité des marchés qu’elle dessert.

L’intégration reste dépendante des fluctuations des marchés mondiaux

Pourtant, ce qui apparait logique en matière d’autosuffisance alimentaire, ne semble pas avoir fait partie de notre vision d’avenir. Prenons par exemple la production porcine : un producteur qui alimente ses porcs avec le grain qu’il cultive est moins à risque en termes d’autosuffisance que celui qui achète sa moulée faite avec des grains qui proviennent du Midwest.  Ce dernier modèle nous a conduits au système d’intégration en production porcine que l’on connait aujourd’hui.  Grâce à un système de subsides qui l’avantage, l’intégration a mieux réussi financièrement (et non pas économiquement). L’on a cependant obtenu un modèle de production beaucoup moins résilient que la ferme familiale, en séparant l’atelier grain de la production animale ce système est plus dépendant de ses approvisionnements en grains et des fluctuations des marchés mondiaux.

Le modèle d’intégration est aussi plus exposé à la pénurie de main d’œuvre qualifiée, rendant plus difficile l’intégration de nouvelles technologies. En termes d’autosuffisance, je ne suis pas sûr que l’on a fait le meilleur choix. On a favorisé pour des raisons strictement financières l’option la plus fragile en termes d’autosuffisance, ce qui s’avère un mauvais choix économique. Si l’on aborder la question du développement durable en production porcine, l’on arriverait aussi à un constat semblable sinon pire.

L’autosuffisance c’est aussi choisir quel modèle d’agriculture l’on doit supporter et comment on le supporte. Avec la pandémie, le public, celui qui élit des gouvernements, s’intéresse de plus en plus à l’agriculture, il y découvre plein de belles choses et des choses qui font moins son affaire, il risque de choisir les modèles qu’il juge le  plus aptes à lui fournir l’autosuffisance qu’il désire. Bien entendu, le tout dans un cadre durable.

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