La Vie agricole se référant à la baisse de la consommation de produits laitiers sur la dernière année a envoyé une série de questions à la Commission canadienne du lait. Voici les réponses fournies par Chantal Paul, directrice des services intégrés.
Yannick Patelli, La Vie agricole (LVA) : En février la Commission canadienne du lait a permis une augmentation de 8,4 % sur le prix du lait : au regard de la situation de guerre en Ukraine et des impacts sur le plan des intrants et sur le plan énergétique, cette hausse est-elle suffisante et selon vous, est-ce qu’il faudra offrir un prix plus élevé aux producteurs laitiers dans les prochains mois ?
Chantale Paul, Commission canadienne du lait (CCL) : Les ajustements de prix du lait à la ferme sont basés sur les données les plus récentes au moment de la décision. Nul n’aurait pu prévoir la situation actuelle et ses répercussions. Pour l’instant, la formule nationale d’ajustement des prix convenue par l’industrie prévoit un seul ajustement par année. Celui-ci est basé sur les coûts de production de l’année précédente indexés au mois d’août et sur l’IPC.
Yannick Patelli, LVA : Par ailleurs, récemment il a été décidé de redistribuer du quota de lait aux producteurs, toutefois selon nos sources la consommation de lait au Canada a baissé de près de 7 %, celle de beurre de près de 10 %, de crème glacée de près de 9 %. Y-a-t-il quand même une logique à permettre plus de quotas ?
Chantale Paul, CCL: Même si la consommation au détail est en baisse par rapport à l’an passé, elle reste supérieure à la consommation avant la Covid. De plus, on observe une croissance dans les autres secteurs tels que la restauration et la surtransformation. La demande globale canadienne est actuellement en hausse de 2.86% par rapport à l’an passé. Selon les données que nous obtenons d’ACNielsen, les ventes de produits laitiers au détail continuent d’augmenter et les stocks de beurre sont bas.
Yannick Patelli, LVA : Ne risque-t-on pas de vivre une séquence de lait jeté comme connu dans le passé ?
Chantale Paul, CCL : Selon les prévisions, la production anticipée était inférieure aux besoins prévus du marché. Étant donné que les stocks de beurre canadien sont bas, un rajustement de la production était requis pour pouvoir satisfaire tous les marchés canadiens en matière grasse. Le marché a besoin du lait qui sera produit en raison de cette hausse de quota.
Yannick Patelli, LVA : La hausse des quotas annoncée a pour but, selon notre compréhension, de soutenir les besoins en matière grasse. Vu les données de consommation récentes en forte baisse au détail, n’est-il pas risqué que cette demande soutienne les besoins en surtransformation en classe spéciale ? Est-il viable dans ce cas-ci de soutenir ces marchés au risque de générer des surplus structuraux majeurs en solide non gras ?
Chantale Paul, CCL : Les ajustements de quota ont toujours pour but de combler la demande en matière grasse. C’est le principe même du système de gestion de l’offre de devoir servir tous les marchés canadiens, incluant la surtransformation alimentaire. La principale cause de la hausse des surplus structurels vient d’une demande plus importante des consommateurs pour la matière grasse que pour les solides non gras, plus particulièrement la crème et le beurre.
Yannick Patelli, LVA : En faisant ces choix la CCL fait-elle payer ces choix aux consommateurs canadiens dans les produits de commodité ?
Chantale Paul, CCL : La CCL ne choisit pas d’ajuster le quota des producteurs. Elle calcule la demande, puis elle ajuste le quota national et distribue à chaque mise en commun sa part. La gestion des quotas à la ferme est du ressort des offices provinciaux, qui ont une obligation de servir le marché canadien.
Yannick Patelli, LVA : Concernant le lait jeté, quel est le coût de ‘’ disposition du lait écrémé’’ ? Et pourquoi utiliser le terme ‘’ traitement spécial’’ alors qu’il s’agit de lait jeté. Est-ce une façon de cacher cette vérité aux consommateurs ?
Chantale Paul, CCL : De façon générale, tout le lait est utilisé et traité dans les usines de transformation laitière canadiennes. Lors de la fabrication d’un produit laitier, il peut rester des composantes du lait qui peuvent ne pas être utilisées dans le produit initial, par exemple, un perméat qui doit lui aussi trouver son utilisation. Dépendant des marchés disponibles et des disponibilités des usines pour traiter ces sous-produits, il se peut que les usines doivent en disposer d’une façon ou d’une autre.
Yannick Patelli, LVA : Confirmez-vous que pour 2021 il s’est jeté plus de 80 millions de litres de lait ? Et quelles sont les projections pour les années à venir ?
Chantale Paul, CCL : En fait, c’est un raccourci inexact que de parler du lait recevant un traitement spécial. Il s’agit surtout de lait écrémé. Durant l’année civile 2021, la pandémie a bouleversé le marché et le fonctionnement des usines. Malgré cela, la quantité de lait écrémé ayant reçu un traitement spécial (surtout en raison de la pandémie) a représenté une infime fraction du lait produit au Canada. La CCL ne fait aucune projection quant au lait recevant un traitement spécial.