Parfois il est bon de replonger dans certaines lectures surtout lorsqu’elles sont du ministre de l’Agriculture qui reste encore le plus éminent que le Québec ait eu. Voici concrètement ce que Jean Garon vous dirait au regard de la situation dans le secteur porcin.
Extrait de «Pour tout vous dire» par Jean Garon- 2013
Une espèce menacée : la ferme familiale indépendante
« La ferme familiale est l’armature des régions du Québec qui se sont bâties au fil des générations de cultivateurs propriétaires de la terre sur laquelle ils travaillaient. C’est également elle qui peut assurer l’approvisionnement le plus stable à la population parce qu’elle peut s’adapter plus facilement aux fluctuations des marchés que les méga-entreprises intégrées. Sur le plan environnemental, la répartition de la production sur l’ensemble du territoire entre des milliers d’entreprises de taille moyenne rend plus aisé le recyclage des sous-produits de l’agriculture.
Enfin, au moment où on voit poindre la menace d’acquisitions des méga-entreprises agricoles en difficulté par des intérêts étrangers, la simple idée qu’il est plus difficile d’acheter mille producteurs de porcs indépendants qu’un seul intégrateur en faillite devrait amener ceux qui croient la ferme familiale dépassée à se poser des questions.
Cela me fait mal au cœur de voir disparaitre de plus en plus vite la ferme familiale indépendante dans certaines productions clés comme le porc. C’est d’autant plus révoltant que ce recul est en grande partie dû à l’action du mouvement coopératif agricole, qui pratique l’intégration à grande échelle, et à l’inaction de l’UPA, qui se fait la complice de cette intégration privée et coopérative. N’oublions jamais que l’UPA a manifesté au milieu des années 1980 pour que le gouvernement du Québec, qui n’assurait que la ferme familiale indépendante depuis le début de l’Assurance-stabilisation des producteurs de porcs, assure la production intégrée au même titre que la production familiale indépendante.
Aujourd’hui, des fermes indépendantes bâties par des familles sur plusieurs générations qui ont tout pour être performantes se font pousser dans les bras de l’intégration par tout le système : les coopératives, les meuniers, les banques, la Financière agricole et même les conseillers financiers payés par le gouvernement. Et cela sous prétexte que ce serait leur unique porte de sortie alors que, souvent, elles pourraient réussir autrement. C’est proprement scandaleux.
Source : Extraits des mémoires de Jean Garon : « Pour tout vous dire»