Le gros bon sens

Le dépôt du projet de loi 41 modifiant la loi des agronomes par le gouvernement du Québec, pourrait être une des pires aberrations que j’ai vu dans mes 35 ans de carrière d’agronome. L’objectif du gouvernement de mieux contrôler l’utilisation des pesticides est louable et souhaitable, cependant de penser que d’interdire à un agronome d’exercer dans une entreprise qui vend des pesticides permettra une meilleure utilisation des pesticides relève de la pensée magique. De plus le règlement 27 de ce projet permet au gouvernement, par règlement étendu à d’autres intrants, l’interdiction aux agronomes d’exercer dans des compagnies qui vendraient les intrants visés par ce règlement. Des milliers agronomes travaillent dans des compagnies d’intrants, l’extension du règlement 27 à plusieurs autres intrants créera un chao incroyable et aura des conséquences désastreuses pour l’agriculture québécoise.

Depuis le début années 80 les compagnies d’intrants ont pris la relève des gouvernements dans la vulgarisation agricole. Pour ce faire elles ont engagé des milliers d’agronomes pour expliquer et promouvoir leurs produits, ainsi que diverses techniques agricoles. Ce phénomène n’est pas que Québécois, on le retrouve dans l’ensemble des pays occidentaux. Le jeu de la concurrence, ainsi que des producteurs clients mieux éduqués et plus critiques, a permis aux meilleurs intrants et techniques de se développer. Ce système de transfert a très bien servi l’agriculture mondiale et a permis de relever de nombreux défis dont celui de nourrir tout le monde. Les défis de l’agriculture sont grands, on devra produire plus et mieux, le transfert de connaissance et le développement de nouveaux intrants seront au cœur de cette nouvelle révolution verte. On semble autant à l’ordre des agronomes qu’au gouvernement penser que de détacher les services-conseils de la vente d’intrants sera plus efficace. Pourtant la réalité est bien différente, les services-conseils, même largement subventionnés, n’arrivent pas à s’imposer comme modèle de transfert de connaissance dominant. La majorité des agronomes travaillent encore pour des compagnies d’intrants. La raison de ce succès est simple: l’entrepreneuriat.

Malgré cela, nos technocrates du MAPAQ et de l’ordre des agronomes vont imposer aux producteurs agricoles leur système d’encadrement en interdisant par règlementation le système dominant, performant et innovateur. Pendant ce temps autour de nous, au Canada, aux États-Unis, les producteurs agricoles pourront eux choisir le système d’encadrement le plus performant, celui lié aux intrants, ou celui d’un conseiller indépendant. Quant au développement d’intrants, parions qu’au Québec cela risque de ralentir passablement, de toute façon nos agronomes non liés auront tout le loisir de recommander les nouveaux intrants produits à l’extérieur du Québec.

Avec ce règlement, l’on infantilise nos producteurs agricoles, même s’ils gèrent des entreprises de plusieurs millions avec succès. Nos technocrates estiment qu’ils ne sont pas en mesure de choisir leur conseiller, qu’il faut leur en imposer un. Cela commence à ressembler à un système communiste, pourtant ce n’est pas Québec solidaire qui a déposé le projet de loi.

N’en déplaise à la présidente de l’Ordre des agronomes, ce n’est pas une majorité d’agronomes, comme elle le prétend, qui veut cette réforme. Au contraire ils sont sidérés de voir tout cela, choqués que l’on remette en question, sans procès, leur intégrité professionnelle.

Plusieurs vont quitter la profession, en prenant leur retraite un peu plus vite, accentuant la pénurie de professionnels. Du côté des producteurs ce n’est pas la joie, plusieurs voix s’élèvent sur plusieurs points de la loi. Les couts s’annoncent énormes, les agronomes des compagnies d’intrants qui se recycleront en agronome-conseil auront-ils accès aux subventions actuelles ? Le gouvernement risque de réaliser qu’ils sont nombreux. Les temps s’annoncent sombres, espérant que le gouvernement retrouve ses esprits et revienne au gros bon sens.

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