On peut réduire l’empreinte environnementale de l’élevage laitier grâce à des systèmes innovants de gestion du fumier

«Saviez-vous qu’une seule vache laitière peut produire jusqu’à 60 kilogrammes de fumier par jour? C’est l’équivalent du poids d’un humain adulte moyen, chaque jour. Tout ce ‘’caca’’ peut en fait être un grand avantage pour les producteurs laitiers en raison des précieux nutriments et du carbone qu’il contient. Mais, s’il n’est pas bien géré, le fumier peut également être nocif pour l’environnement, en contribuant à la contamination des cours d’eau et en créant des émissions gazeuses, notamment des gaz à effet de serre qui réchauffent le climat», écrivait-on dans un communiqué Agriculture et Agroalimentaire Canada émis cet été.

Transformer un problème en solution

Le défi pour les chercheurs est de savoir comment accéder le plus efficacement possible aux nutriments bénéfiques tout en atténuant les risques pour l’environnement? Des chercheurs du Centre de recherche et de développement d’Agassiz d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), Shabtai Bittman et Derek Hunt, relèvent le défi de trouver une solution sûre pour faire bon usage de ce qui est trop souvent considéré comme un déchet et une nuisance.

Une solution innovante à un sempiternel problème

On sait que les producteurs laitiers épandent du fumier liquide, également appelé lisier, dans leurs champs pour vider leurs entrepôts et pour enrichir leurs sols et nourrir leurs cultures. Mais il est difficile d’utiliser le lisier comme engrais primaire ou complet pour deux raisons principales: le fumier contient un déséquilibre de nutriments (un faible rapport azote-phosphore par rapport à ce dont une plante a besoin) et les méthodes pratiques d’épandage du fumier sur le sol entraînent une perte de nutriments, ce qui peut contribuer à la contamination de l’environnement et entraîner des coûts plus élevés lorsqu’il faut davantage d’engrais pour remplacer les nutriments perdus.

Une culture nécessite un équilibre délicat des nutriments, en particulier de l’azote et du phosphore. C’est pourquoi les producteurs laitiers ont souvent recours à des engrais commerciaux qui offrent plus de souplesse et de prévisibilité. Les chercheurs d’AAC se sont efforcés de surmonter les difficultés liées à l’utilisation du fumier, et de faire en sorte qu’il soit plus facile et moins coûteux pour les producteurs d’utiliser efficacement ses éléments nutritifs.

Les Producteurs laitiers du Canada engagés pour un avenir sans carbone

« L’industrie laitière s’est grandement améliorée grâce aux progrès de la génétique et de la nutrition, mais d’autres améliorations environnementales sont nécessaires, notamment en ce qui concerne la gestion du fumier, pour réduire les excédents de nutriments et améliorer l’efficacité. Il convient de noter que les Producteurs laitiers du Canada se sont récemment engagés en faveur d’un avenir sans carbone. » explique Shabtai Bittman, Ph. D., chercheur scientifique, Agriculture et Agroalimentaire Canada

Les chercheurs ont découvert que le rapport entre l’azote et le phosphore pouvait être modifié par une séparation solide-liquide peu coûteuse, en laissant simplement la boue se déposer naturellement dans des réservoirs de stockage ou des lagunes. Le processus de décantation a séparé le fumier en deux parties : une partie liquide fine relativement riche en azote disponible, et une partie boueuse riche en phosphore, en azote organique et en carbone. Les deux parties pourraient ensuite être appliquées sur les cultures où elles seraient utilisées le plus efficacement.

Maximiser les avantages des nutriments

La phase suivante de leurs recherches a conduit Bittman et Hunt à étudier la meilleure façon d’utiliser les deux parties du fumier pour maximiser leurs avantages potentiels et réduire au minimum les pertes. Ils ont découvert que l’utilisation de la partie liquide fine pour l’herbe fourragère permettait une récupération plus efficace de l’azote, car elle s’infiltre rapidement dans le sol, réduisant ainsi la perte du précieux gaz ammoniac contenant de l’azote. Cette fine portion liquide avait également l’avantage de réduire la surcharge de phosphore lors de l’application d’azote aux taux les plus efficaces, car une partie du phosphore s’était déposée sous forme de boue au fond.

L’absorption de l’azote dans le sol a été encore améliorée lorsqu’un applicateur de précision à faibles émissions a été fixé au réservoir d’épandage du fumier. L’applicateur à faibles émissions a épandu le fumier uniformément en bandes étroites directement sur le sol, et non sur le couvert végétal comme dans le cas d’une pulvérisation de surface typique. Des dents de roulement, qui percent des trous dans le sol, ont été ajoutées pour augmenter encore l’infiltration du fumier dans le sol. L’exposition du fumier à l’air est ainsi réduite au minimum et le contact avec le sol est maximisé, ce qui permet de conserver l’azote et le phosphore et de protéger l’herbe de toute contamination microbienne. Autre atout supplémentaire : cela réduit les odeurs gênantes!

L’un des problèmes de longue date de la séparation du fumier est de trouver quoi faire de la partie épaisse et boueuse restante. La boue s’est avérée être un excellent substitut au phosphore des engrais commerciaux pour le maïs lorsqu’elle est placée avec précision à moins de 10 cm de la graine — à la manière d’un engrais commercial de démarrage.

En pratique, le fumier est injecté environ deux jours avant la plantation de précision du maïs. Bittman et Hunt ont également constaté qu’une culture de couverture d’ivraie d’Italie semée entre les rangs de maïs quelques semaines après la plantation du maïs réduisait le risque de lessivage de l’azote à l’automne, formait une couverture hivernale protectrice pour le sol et fournissait aux agriculteurs une récolte de haute qualité au début du printemps. Cette culture de couverture améliore également la qualité du lait (plus de matière grasse) et les revenus des agriculteurs!

«Les fermes laitières qui disposent de peu de terres, comme celles situées dans les régions périurbaines (zones où l’agriculture se pratique à l’intérieur ou à proximité des centres de population, comme la vallée du Fraser en Colombie-Britannique) peuvent particulièrement bénéficier de ces constatations. En renforçant la gestion des nutriments, ces technologies permettront d’améliorer l’utilisation des terres, de préserver l’approvisionnement alimentaire et de protéger les personnes et l’environnement. Comme ces régions ont tendance à avoir une production intensive et à importer beaucoup de nutriments dans les engrais et les aliments pour animaux importés, il est particulièrement important de limiter les excès», de déclarer le communiqué de AAC.

Principaux avantages

  • En laissant le lisier de vache laitière décanter dans des réservoirs de stockage ou des bassins, on obtient un liquide fin relativement riche en azote disponible et une boue riche en phosphore, en azote organique et en carbone. Ces deux parties peuvent être appliquées sur les cultures où elles seront utilisées le plus efficacement.
  • Une meilleure utilisation des nutriments du fumier réduit le besoin d’utiliser des engrais commerciaux, ce qui permet de réduire les coûts et d’améliorer l’empreinte environnementale de l’élevage laitier.
  • Le placement précis des éléments nutritifs là où ils sont nécessaires permet de limiter davantage la perte d’éléments nutritifs dans le sol.

 

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