Ce mercredi a été annoncée une grande consultation sur le zonage agricole, une consultation qui devra mener à la réouverture de la loi mythique instaurée par Jean Garon en 1978. C’est ambitieux! Mais le ministre Lamontagne souhaite faire en sorte de mieux protéger « les meilleures terres agricoles», ce que son équipe laissait d’ailleurs entendre depuis quelque temps.
Une conférence a eu lieu aujourd’hui. L’objectif est de moderniser la Loi sur le zonage que le gouvernement Lévesque avait créé. Le volet dévoilé par le ministre de l’Agriculture ne serait pas interdépendant du plan national d’architecture et d’aménagement du territoire, mais il devra s’y juxtaposer. La démarche sera longue, environ 18 mois, au cours desquels des consultations qui se dérouleront au cours de l’hiver prochain, traiteront d’abord du territoire, puis des activités sur le territoire et finalement de la propriété des terres et de la relève.
Pour chaque période de consultation, un fascicule d’une trentaine de pages sera remis faisant un état exhaustif de la situation. Ensuite les débats pourront commencer.
La volonté du ministre Lamontagne, à son image, est que les discussions se fassent dans le respect et le positivisme pour un résultat concret en faveur de la protection des terres agricoles. Le défi tient de la présence à la même table de l’UPA, la FQM et l’UMQ qui en finalité n’ont pas nécessairement les mêmes enjeux.
Le ministre Lamontagne a l’appui du Premier ministre
L’équipe du ministre rencontrée quelques jours plus tôt nous a confié que le ministre Lamontagne a l’appui depuis novembre dernier dans cette démarche, du Premier ministre François Legault, ce qui en soi rappelle la situation de Jean Garon en 1976 qui lui avait le soutien indéfectible de René Lévesque.
Pour le ministre André Lamontagne, il semble important que toutes les organisations soient sur la même ligne de départ pour le début de la consultation. Le ministre Lamontagne a précisé ce matin en conférence de presse vouloir «poursuivre le travail de Jean Garon» et a souhaité que cela se fasse en collectif : « Réfléchir et travailler tous ensemble», a-t-il dit.
Que va dire l’Institut Jean-Garon ?
Évidemment tout le monde va se demander quelle réaction il y aura au sein de l’Institut Jean-Garon, gardien entre autres de la mémoire de Jean Garon et de ses actions pour le monde agricole. À première vue, Simon Bégin, ancien attaché de presse de Jean Garon et actuel porte-parole de l’Institut et Michel Saint-Pierre et Guy Debailleul, coprésidents de l’Institut Jean-Garon, sont à l’écoute du cabinet, et selon les informations recueillies par La Vie agricole se disent ouverts à la discussion.
Rappelons que l’Institut Jean-Garon a publié en 2019, suite à une consultation auprès de plusieurs acteurs sur le terrain, un rapport sur ce qui était alors les 40 dernières années de zonage agricole, rapport qui a été remis au ministre Lamontagne à l’époque.
L’Institut Jean-Garon rappelait en 2019 que la Loi établie sous le premier gouvernement du Parti québécois de René Lévesque était, «une loi forte et courageuse adoptée le 22 décembre 1978 poursuivant deux objectifs : protéger les terres à bon potentiel agricole et mettre un terme à l’étalement anarchique des villes».
L’Institut Jean-Garon dont l’ADN est la discussion et la réflexion pour un Québec moderne avait lancé en 2019 juste avant la pandémie cette grande discussion sur le zonage agricole et dévoilait d’ailleurs quelques observations incitant à moderniser cette Loi.
En 2019 l’Institut Jean-Garon disait :
- Que le processus de décision de la CPTAQ peut être poreux aux pressions des développeurs urbains et des municipalités généralement favorables aux projets de développement pour accroître leurs recettes fiscales tirées de la taxe foncière.
- Que dans l’ensemble du Québec, seulement 53 % du territoire zoné agricole est occupé par des entreprises agricoles actives
- Que dans le processus décisionnel de la Commission de protection du territoire agricole – CPTAQ, il n’est pas suffisamment pris en compte les conditions socioéconomiques des milieux dans une perspective de développement local et régional, en régions intermédiaires et périphériques notamment.
- Que la disparité des décisions de la Commission, et les motifs invoqués tant pour autoriser des demandes que pour en refuser témoignent d’incohérences qui portent atteinte à la crédibilité de cet organisme
- Que le refus dogmatique d’autoriser la subdivision des terres zonées empêche de créer des unités agricoles de tailles petites et moyennes propices à un éventail élargi de dimension des fermes, de modes de gestion et de production.
L’Institut avait alors fait 17 recommandations dans le rapport remis au ministre Lamontagne, dont en voici quelqu’unes en extrait :
- Accroître la vigilance pour la protection du territoire agricole autour des grandes villes
- Établir un registre des transactions afin de dresser un portrait de la propriété foncière au Québec
- Développer à la CPTAQ une approche plus ouverte aux projets d’intégration horizontale : projets agro-touristiques, transformation de produits à la ferme, vente directe, etc., et aux projets innovants en général
- Assouplir les règles de la gestion de l’offre
- Donner accès aux agriculteurs à temps partiel à l’ensemble des soutiens à l’agriculture (du moins pour un certain nombre d’années)
- Rendre la pratique de la location des terres plus attrayante en l’encadrant par des baux de longue durée
- Reconnaître la valeur de la création de biens environnementaux
- Investir dans la recherche sur les effets des changements climatiques et sur les pratiques agricoles qui peuvent contribuer à les contrôler et anticiper les adaptations nécessaires du point de vue du conseil agronomique et des programmes de soutien :
Et que penserait Jean Pronovost ?
Jean Pronovost auteur du rapport Pronovost et président fondateur de l’Institut Jean-Garon disait : «Le territoire agricole est un patrimoine collectif qui continue de subir de fortes pressions, en particulier dans les zones périurbaines. Il faut donc maintenir et même renforcer les mesures de protection afin de préserver un territoire consacré à une agriculture durable.»
Si M. Lamontagne, dont le rapport Pronovost est son «Étoile du Nord», est guidé par Jean Pronovost et se voit dans les traces de Jean Garon, souhaitons-lui le leadership pour créer la synergie entre tous les groupes engagés dans cette réforme et d’avoir l’opportunité de conserver la Loi de zonage agricole modernisée sous le contrôle de son ministère.
Il est à souhaiter que la volonté du ministre Lamontagne pour les terres agricoles du Québec soit à l’image du slogan qui trônait par hasard au Grand Marché de Québec derrière lui: « Nous fonderons un ciel»
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