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La colère lente du Québec

La Vie agricole a été appelée la semaine dernière par des producteurs qui s’interrogent sur la lenteur au Québec à revendiquer alors que L’Europe est à feu et à sang. Nous venons d’échanger plus longuement avec deux d’entre eux.

Hervé Garon, propriétaire d’une ferme laitière de 200 vaches à Rivière-Ouelle, producteur de bœuf et producteur de grandes cultures le dit clairement, «Oui les problèmes sont les mêmes ici qu’en France». Mais il ne croit pas que ça bougera vite ici parce que l’UPA reste en observation pour le moment.

« On suit ce qui se passe en Allemagne, en Italie, en France. On regarde dans les assemblées de secteur ici, mais tout est ‘’stagé’’ par l’UPA à cause de l’obligation réglementaire. Dès qu’il y en a un qui veut sortir des rangs, il est canalisé par l’UPA et ça finit en queue de poisson. Mon feeling est qu’actuellement, l’UPA attend de voir. Tu sais c’est le bras droit ou le bras gauche, c’est selon, du gouvernement et le staff de l’UPA fait de l’argent avec les normes. Ils ont acheté le CIAQ, Valacta, etc.»

Trop de paperasse

Mais pour Hervé Garon des normes, il y en a trop. « On a ici le même problème qu’en Europe : trop de réglementations, trop de paperasses. Y’a trop de place à l’écologie. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a une agriculture industrielle qui a permis des revenus. On dirait que les écologistes veulent revenir à une agriculture vivrière.»

Plus blanc que blanc

Interrogé sur l’utilisation des pesticides vue par certains comme dangereuse et par d’autres comme nécessaire pour nourrir le monde, il nous a dit : «On a tendance ici à laver plus blanc que blanc».

«Le bœuf n’est plus que du folklore»

«Il n’y a plus de production bovine. On est en dessous de 60 000 têtes par an au Québec. C’est la taille d’un gros parc aux États-Unis. Le bœuf au Québec, c’est fini, c’est du folklore. Mon voisin a fermé l’an passé parce que son fils ne pouvait pas prendre la relève dans ce domaine et pourtant c’était parmi les meilleurs éleveurs.», nous a-t-il confié.

Sur les terres agricoles

Concernant le développement de l’agriculture, il s’inquiète dans sa région de Kamouraska des achats de terres agricoles faits par des industriels  pour placer leur argent et  il s’indigne qu’on interdise l’agrandissement des superficies en cultures depuis la bataille des porcheries dans les années 2000 alors qu’il y aurait des parcelles forestières à défricher.

Des manifestations oui, si «hors UPA»

«Les manifestations de l’UPA, s’il y en a, je n’irai pas. Le syndicat n’est pas là pour nous défendre. J’ai été 20 ans administrateur de la Fédération des producteurs de bœuf, rappelez-vous quand il y a eu Colbex, il y a eu un prêt de plusieurs millions de dollars et la balance est encore là. Le gouvernement les tient avec ça».

Il nous confie qu’entre producteurs ça se parle d’aller à Rimouski ou à Québec pour manifester, mais il privilégie une action qui ne serait pas contrôlée par le syndicat.

Un autre producteur de bœuf inquiet aussi, mais plus positif sur son secteur

Jonathan Fortin, producteur de bœuf à Baie-des-Sables, nous a confié qu’il regarde la situation en France lui aussi et tout en nous disant qu’il est important pour lui d’être écoresponsable comme producteur, il aimerait que le gouvernement l’aide un peu plus pour atteindre les objectifs de carboneutralité d’ici 2050.  «Si on rentre du bœuf d’ailleurs au Québec, est-ce qu’on a bien mesuré l’impact laissé par le carbone dans le transport».

La réalité d’un producteur comme Jonathan Fortin qui par chance est en grande partie autosuffisant à sa ferme est quand même le coût des intrants. Il nous donne pour exemple le coût des engrais minéraux qui ont doublé depuis la guerre en Ukraine passant de 600 à plus de 1000 $. «Le coût de la machinerie et des prêts hypothécaires sont une autre inquiétude grandissante chez les producteurs», nous a-t-il confié.

« Je regarde ça aller et comme on est souvent 10 à 15 ans en arrière par rapport à la France, on va se faire rattraper d’ici une décennie. La population n’en a peut-être pas encore conscience ici, mais les mêmes problèmes s’en viennent».

Concernant la production de bœuf, il est plus optimiste que le premier producteur à qui nous avons parlé, mais s’inquiète du coût de production toujours plus élevé. Il faut en faire toujours plus pour s’en sortir : « En 2021, il fallait réaliser 708 livres par veau vendu, quelques années avant c’était 680 livres par veau vendu».

Il nous explique que vu que le gouvernement en demande toujours plus en termes de normes environnementales, c’est sûr que les producteurs connaissent une pression supplémentaire et qu’ils devront se manifester pour dire stop, mais il ne sait pas encore exactement comment les choses vont se dérouler au printemps.

Pour le moment, il assiste aux réunions régionales de l’UPA. Il déplore par contre pour avoir participé à la marche tenue le 6 décembre dernier à Québec pendant le congrès de l’UPA que celle-ci n’ait pas eu d’écho dans les médias. Pour Jonathan Fortin, peut-être que la population n’est pas encore prête à appuyer les agriculteurs comme elle semble le faire ouvertement en France.

Sur la photo: Hervé Garon observe son boisé qui a flambé lors d’un feu de forêt. Crédit : Maxime Paradis ( Le Placoteux/Gracieuseté)

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