Site icon LA VIE AGRICOLE / LVATV.CA

L’AFFAIRE PELCHAT ET L’AVENIR DE L’AGROTOURISME

L’Institut Jean-Garon est interpellé par ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Mario Pelchat, un affrontement entre l’auteur compositeur et le Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) portant sur le droit ou non de présenter des spectacles sur le vignoble de M. Pelchat situé à Saint-Joseph-du-Lac.  Cette affaire survient en effet au moment où se déroule une vaste consultation sur la protection du territoire et des activités agricoles qui porte entre autres sur la place et l’ampleur des activités d’agrotourisme en milieu agricole, enjeu au centre du litige en question.

Traditionnellement, les activités d’agrotourisme autorisées par la CPTAQ sont celles ayant un lien direct avec la ferme où elles se déroulent, ici un vignoble (visites, ventes des produits de la ferme, repas à partir de produits du terroir local, activités éducatives, etc..).  Or, l’affaire Pelchat vient illustrer les risques de dérapage et de perturbation du milieu agricole qu’un élargissement du concept d’agrotourisme peut entraîner.

Rappel des faits :  M. Pelchat s’est vu interdire d’opérer la salle de spectacles de 250 places qu’il a aménagée sur son vignoble le forçant à annuler toute une série de représentations pour lesquelles les billets étaient vendus.  Le préjudice est important et l’artiste a dénoncé le harcèlement administratif dont il serait victime.

Une lecture attentive des nombreuses décisions rendues dans cette affaire par la CPTAQ, le Tribunal administratif du Québec et la municipalité de Saint-Joseph-du-Lac racontent une histoire plus nuancée.  Comme c’est le cas dans plusieurs vignobles au Québec, la CPTAQ y autorise la vente des vins produits sur place et des activités d’agrotourisme décrites précédemment.  Pour ce faire, M. Pelchat a obtenu l’autorisation d’aménager un chai, l’endroit où on réalise la vinification et l’entreposage des bouteilles, agrémenté d’un comptoir de vente pour des produits du terroir régional et d’une terrasse d ’une cinquantaine de places. Dans une décision de 2018, la CPTAQ a par ailleurs autorisé l’accroissement de la capacité d’accueil du chai à 100 personnes et la tenue sur réservation d’événements sociaux, mariages et autres.

De plus, la municipalité n’a autorisé sur la propriété, au fil des ans, que la construction de bâtiments à vocation agricole, chai et entrepôt, tout en précisant à diverses occasions que l’aménagement d’une salle de spectacle n’était pas permis.  Un projet de règlement autorisant de tels spectacles a été déposé mais n’est pas encore en vigueur. Or, les faits constatés par la CPTAQ à la suite d’une plainte démontrent un non-respect tant de la Loi de protection du territoire agricole et des ordonnances de la CPTAQ que de la réglementation municipale alors applicable:

En conséquence, la CPTAQ a ordonné en mars dernier de cesser toutes les activités non autorisées et de remettre les lieux en un état conforme aux autorisations accordées.  Le Tribunal administratif du Québec (TAQ) a été saisi en avril dernier d’une demande de suspension de cette ordonnance.  L’obligation de cesser les activités non autorisées a été maintenue, sauf en ce qui a trait à l’hébergement de travailleurs agricoles, tandis que celle de remettre les lieux en état est suspendue en attendant que le TAQ se prononce sur le fond.

Que conclure cette affaire?  D’abord la forte émotion suscitée par l’annulation des spectacles de M. Pelchat, émotion très hostile à la CPTAQ, n’est pas justifiée.  Elle montre aussi la nécessité d’aborder avec prudence tout élargissement de la notion d’agrotourisme.  Si ces activités doivent être encouragées et développées, des balises précises sont nécessaires à tout assouplissement du lien entre la ferme et le terroir local, d’une part, et les activités de restauration et de divertissement permises d’autre part. Enfin, il y a lieu de s’interroger sur l’impact d’une activité non agricole d’une telle ampleur sur le tissu environnant (hausse de la valeur des terres, circulation, pression de la villégiature, etc.), ce qui est actuellement absent du débat.

Dans l’esprit du Rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture, l’Institut Jean-Garon souhaite que les activités d’agrotourisme viennent enrichir le tissu rural du Québec et renforcent le lien entre citadins et agriculteurs.  Cela ne doit toutefois pas se faire au détriment de l’objectif fondamental de préserver la terre et un environnement favorable à la pratique de l’agriculture, objectif que l’affaire Pelchat ne respecte pas de toute évidence.

 

Source :  Simon Bégin

581-745-6819

Quitter la version mobile