La Société des alcools du Québec (SAQ) est la dernière des commissions provinciales à constater une baisse consécutive des ventes d’alcool en volume, une tendance qui se manifeste à travers tout le pays. Au cours du dernier exercice fiscal, toutes les provinces ont enregistré une chute des ventes en volume, marquant un changement significatif dans les habitudes de consommation des Canadiens. En Ontario, les ventes ont chuté de 2,0 %, au Québec de 2,5 % et en Alberta, une baisse notable de plus de 5 % a été observée, selon les estimations et les rapports publiés. D’autres provinces comme la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont également signalé des baisses substantielles, respectivement de 4,2 %, 6,7 % et 4,9 %.
Malgré ces baisses de volume, la majorité des commissions provinciales ont réussi à maintenir ou à augmenter leurs revenus grâce à des hausses de prix. Cependant, la tendance à la baisse de la consommation est indéniable. L’inflation et la crise élargie du coût de la vie sont probablement les principaux moteurs de cette évolution. À mesure que les budgets des ménages se resserrent, les consommateurs sont forcés de prioriser les dépenses essentielles comme la nourriture et le logement, reléguant l’alcool parmi les premiers postes discrétionnaires à être réduits. De plus, les augmentations des taxes fédérales et provinciales sur l’alcool ont rendu ces produits moins abordables pour de nombreux consommateurs.
L’impact de la démographie et de l’immigration
Un autre facteur contributif est l’évolution démographique du Canada. Avec une augmentation de l’immigration, de nombreux nouveaux Canadiens proviennent de cultures où la consommation d’alcool est modérée ou évitée pour des raisons religieuses ou culturelles. Alors que l’immigration stimule la croissance démographique du pays, cet afflux contribue probablement à la réduction de la consommation d’alcool par habitant. La bière traditionnelle après le travail ou le vin du week-end pourrait perdre de sa prédominance alors que la diversité culturelle redéfinit les normes sociales autour de la consommation d’alcool.
L’impact des campagnes de santé publique
Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études ont lié la consommation d’alcool à des problèmes de santé graves, tels que le cancer, les maladies du foie et les problèmes cardiovasculaires. Ces découvertes ont incité des campagnes de santé publique exhortant les Canadiens à réévaluer leurs habitudes de consommation d’alcool. Ce qui était autrefois perçu comme un stigmate autour de la consommation excessive d’alcool a évolué vers une vision plus critique de la consommation occasionnelle et sociale. La montée des défis du “Janvier sec”, des espaces sociaux sobres et la disponibilité croissante d’alternatives non alcoolisées dans les bars et les restaurants signalent une société qui repense sa relation avec l’alcool.
L’effet cannabis
Depuis la légalisation du cannabis récréatif en 2018, le marché a rapidement maturé, et certains consommateurs, surtout les jeunes, peuvent opter pour le cannabis plutôt que pour l’alcool. Des études ont suggéré un “effet de substitution”, où la consommation d’alcool est remplacée par celle de cannabis.
Ce paysage en évolution présente à la fois des défis et des opportunités pour les décideurs politiques, les entreprises et les défenseurs de la santé publique. D’une part, la réduction de la consommation d’alcool pourrait alléger les charges de santé publique, potentiellement en réduisant les taux de maladies et d’hospitalisations liées à l’alcool. D’autre part, les implications économiques de la baisse des ventes d’alcool ne peuvent être ignorées. La tentation pour les provinces de vouloir maintenir les revenus peut être forte. Certaines, incluant le Québec et la SAQ, envisagent de vendre davantage de produits non alcoolisés, un secteur en croissance que le privé souhaite également exploiter. Cependant, il est discutable de savoir si les consommateurs ont besoin que le gouvernement leur vende des produits sans alcool.
Si les provinces doivent revoir le mandat de leurs commissions publiques de distribution d’alcool pour augmenter leurs revenus, tant mieux, mais cela ne devrait pas se faire au détriment de nos détaillants privés et indépendants