Si les trois auteurs de l’Institut Jean-Garon, Guy Debailleul, Michel Saint-Pierre et Suzanne Dion parlent d’agriculture à la dérive dans leur ouvrage commun sorti récemment «Notre agriculture à la dérive», il faut lire aussi d’Alessandro Stanziani, «Les guerres du blé». On y apprend, qu’au-delà de la confrontation géopolitique, le soulèvement du printemps arabe il y a douze ans ou la guerre en Ukraine depuis deux ans sont essentiellement liés à la hausse du prix des céréales.
On observe le principe de l’offre et de la demande conjugué à de mauvaises récoltes. Il faut savoir que depuis la révolution industrielle, la population mondiale a été multipliée par 24, le revenu par tête par 14 et le PIB par 338. Comme dit Stanziani : « Quelque chose ne tourne pas rond dans ce raisonnement liant production et démographie, d’autant moins qu’aujourd’hui 42 tonnes d’aliments sont jetées chaque seconde dans le monde, soit 1,3 milliard de tonne par an. Qu’un 1,4 milliard d’hectares de terres ( soit 28 % des superficies agricoles du globe) servent annuellement à produire de la nourriture gaspillée ou détruite.»
Le dixième de cette quantité suffirait à éliminer la sous-alimentation et la faim sur la planète. Le livre «Les guerres du blé» tente de répondre à ce paradoxe. La perspective donnée est d’appréhender les raisons pour lesquelles le blé a joué un rôle non seulement économique, mais aussi militaire et politique depuis des siècles.
N’était-ce pas Churchill qui disait voir dans la faim la principale arme de la victoire?
Stanziani explique dans ce livre que les États occidentaux sont confrontés aux monstres boursiers qu’ils ont créés, à l’émergence de puissances telle que la Chine, L’Inde, le Brésil et en même temps à «la tentative de restauration de l’Empire russe par Poutine.»
Juste au sein de l’Europe, Stanziani donne l’exemple du manque d’homogénéité et du monde rural qui se fracture. Il explique que particulièrement en France « les grands producteurs contrôlent les principales organisations syndicales et s’opposent à toute mesure écologique».
Nul n’est besoin selon Stanziani de dénigrer l’économie globale. Il conseille plutôt que les politiques soient régionales, nationales, européennes ou internationales qu’elles soient surtout et avant tout distributives et démocratiques et loin des lobbies.