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La réduflation 2.0 est arrivée : ça s’appelle la «stretchflation»

Il y a bien sûr la « réduflation » que tout le monde déteste lorsque la quantité diminue mais le prix reste le même, et la « shelflation » lorsque la durée de conservation d’un produit est compromise par des problèmes de chaînes d’approvisionnement. Ces stratégies, présentes depuis des décennies, contribuent à l’augmentation du coût du panier d’épicerie. Mais le nouveau phénomène de la « stretchflation » commence à faire son apparition dans nos épiceries.

La tactique de la « stretchflation » consiste à augmenter quelque peu la quantité d’un produit, mais à augmenter son prix de façon disproportionnée. Une méthode encore plus sournoise pour déjouer les sens du consommateur.

Un exemple non vérifié de la « stretchflation » nous a été rapporté et concerne le fromage provolone tranché de Saputo, vendu chez Costco. Le paquet se vendait originalement en format de 620 grammes et se retrouve maintenant à 750 grammes, une augmentation de 20 %. Le prix du 750 grammes dépasse les 15 dollars, une augmentation d’au-delà de 25 %, selon quelques témoins. Il semble que certains produits de boulangerie subissent le même sort ces derniers temps. La « stretchflation » se détecte difficilement puisque l’approche est très dissimulée.

Peu de cas se répertorient pour l’instant dans nos allées d’épicerie, mais nous risquons d’en voir davantage dans les prochains mois. La récente révolte des consommateurs contre la « réduflation » pousse les transformateurs et distributeurs à en offrir plus, mais ils semblent vouloir en demander aussi beaucoup plus avec la « stretchflation ».

Le dénominateur commun de toutes ces stratégies tourne bien sûr autour du contexte économique des matières premières. Le sucre se vend environ 50 % de plus qu’il y a cinq ans et le cacao coûte 103 % de plus, tandis que le jus d’orange atteint un prix record. Il y a toujours un ingrédient qui explose pour une raison ou une autre. Soit le prix de certains ingrédients augmente de façon folle, soit les prix fluctuent énormément, comme on a pu le constater avec le blé et d’autres denrées au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Les transformateurs doivent s’ajuster pour maintenir leur part de marché. Mais la « stretchflation » est une stratégie différente.

La motivation première vise probablement à défendre l’image de l’industrie, et non seulement à réduire les coûts et les quantités. Pendant une vingtaine d’années, à partir de la phase inflationniste du début des années 80, on a connu l’assaut de l’achat en vrac. « Big was king », comme on disait?! Depuis, il y a eu deux cycles majeurs de « réduflation » : en 2008-09 et tout récemment, depuis 2022. Le plus récent cycle a probablement pris fin au début de cette année. Mais la réponse de l’industrie semble se rabattre sur la « stretchflation ».

On peut toujours souhaiter légiférer pour empêcher les entreprises de changer quoi que ce soit sur les quantités. Mais nous risquons de voir les prix augmenter davantage et il n’y a rien d’illégal à tout cela.

Il n’en demeure pas moins que ces tactiques deviennent un irritant pour tous. Ce qui crée le plus d’inquiétudes avec ces réductions ou augmentations de quantité c’est l’effet direct sur les factures d’épicerie et la façon dont Statistique Canada mesure les répercussions de celles-ci sur l’inflation alimentaire. Bien que l’agence fédérale nous rassure en stipulant qu’elle surveille l’effet de ces stratégies sur l’inflation alimentaire, elle démontre rarement des exemples clairs sur la façon dont elle adapte sa méthodologie pour y parvenir.

L’autre problème concerne les taxes de vente au détail. Plusieurs produits alimentaires sont exclus de la détaxation si la quantité devient trop réduite. On observe ce phénomène notamment sur la crème glacée, sur des puddings ou des barres tendres. Lire les règles de ce qui est taxable ou non à l’épicerie demeure compliqué. Avec les changements de quantité, plusieurs produits deviennent taxables, simplement parce que la quantité a été réduite, ou vice versa.

À part vouloir légiférer, le manque de transparence sur nos factures d’épicerie pour les taxes représente probablement le problème le plus pressant à régler.

 

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