
La récente décision de l’administration Trump d’imposer un tarif de 25 % sur les produits agroalimentaires canadiens et mexicains sonne un signal d’alarme pour le secteur agroalimentaire du Canada. En tant que nation qui se targue de sa sécurité alimentaire et de son excédent commercial agricole, le Canada fait face à une épreuve cruciale pour demeurer concurrentiel dans une économie mondiale de plus en plus protectionniste.
Selon le nouveau classement mondial des nations les plus influentes en agroalimentaire, réalisé par le Laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie et commandé par la firme MNP, le Canada se classe au 13e rang parmi les nations du G20 en matière d’influence agroalimentaire mondiale. Les États-Unis, nos voisins, occupent la première place. Si le Canada se distingue par sa sécurité alimentaire et sa stabilité politique, il accuse un retard en matière d’innovation, de diversification commerciale, d’efficacité réglementaire et d’obstacles au commerce interprovincial. Ces vulnérabilités se voient aujourd’hui exacerbées par ce changement de politique commerciale américaine.
L’excédent commercial agroalimentaire du Canada s’élève à 13,3 milliards de dollars, le plaçant au cinquième rang des nations du G20. Cet excédent souligne le rôle du Canada en tant qu’exportateur net de produits agricoles de haute qualité, les États-Unis étant notre principal partenaire commercial. Un tarif de 25 % sur les exportations alimentaires canadiennes perturbera inévitablement cet équilibre, rendant nos produits moins concurrentiels sur le marché américain, réduisant les marges de profit des producteurs et affectant les consommateurs canadiens au final.
Les tarifs viendront également aggraver les défis déjà présents au sein de l’industrie. Le rapport de Dalhousie souligne que le Canada éprouve des difficultés à cause de coûts logistiques élevés en raison de son vaste territoire, rencontre des obstacles réglementaires qui pèsent lourd sur les petites entreprises et accuse un manque d’investissements stratégiques dans la transformation des aliments. De plus, les barrières commerciales interprovinciales entravent le mouvement efficace des produits alimentaires au sein même du pays, augmentant les coûts de production et freinant la croissance économique. Avec ces tarifs américains réduisant nos exportations, il devient plus urgent que jamais pour le Canada de diversifier ses alliances commerciales au-delà des États-Unis.
Le Canada se classe actuellement comme un pays de niveau 2 en compétitivité agroalimentaire mondiale, derrière les meneurs de niveau 1 comme les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Allemagne. Ces nations ont su mettre en place des politiques favorisant l’innovation, facilitant les exportations et soutenant leurs industries domestiques par des investissements ciblés. En revanche, le cadre réglementaire fragmenté du Canada, les restrictions commerciales interprovinciales et le soutien incohérent à l’innovation agroalimentaire le rendent vulnérable en période de turbulence économique.
Le rapport met de l’avant l’importance des investissements dans la transformation alimentaire domestique, qui permettraient au Canada de capturer plus de valeur ajoutée à partir de sa production agricole plutôt que d’exporter simplement des matières premières. Le Canada accuse un retard dans ce domaine clé par rapport aux pays les plus performants. Avec les tarifs américains menaçant notre accès à notre plus grand marché, le gouvernement doit agir de manière décisive pour renforcer les capacités de transformation alimentaire et étendre ses marchés d’exportation vers l’Asie, l’Europe et le Moyen-Orient.
Les tarifs imposés par l’administration Trump rappellent brutalement que le Canada ne peut pas se permettre de dépendre excessivement d’un seul partenaire commercial. La diversification des relations commerciales et le renforcement de la production et de la transformation alimentaire domestique deviennent des nécessités plutôt que de simples ambitions.
Les actions politiques essentielles doivent inclure :
- Investissements accrus en R et D – Prioriser la recherche en innovation agroalimentaire, y compris la transformation avancée des aliments, l’agriculture de précision et les pratiques agricoles durables.
- Réforme réglementaire – Un cadre réglementaire plus simple et transparent pour permettre aux jeunes entreprises agroalimentaires de croître et de rivaliser à l’international.
- Diversification commerciale – Étendre les accords commerciaux au-delà de l’Amérique du Nord vers l’Union européenne, le Japon et l’Asie du Sud-Est afin d’atténuer les risques des politiques protectionnistes américaines.
- Croissance de la transformation domestique – Investir davantage dans les installations de transformation alimentaire pour retenir la valeur économique au Canada, réduisant ainsi la dépendance aux exportations de matières premières.
- Développement stratégique des infrastructures – Résoudre les coûts élevés de transport et les inefficacités de la chaîne d’approvisionnement afin d’améliorer la compétitivité du Canada sur les marchés alimentaires mondiaux.
- Réforme du commerce interprovincial – Éliminer les obstacles qui limitent la libre circulation des produits alimentaires entre les provinces pour améliorer l’efficacité du marché domestique et sa compétitivité.
Le secteur agroalimentaire canadien se retrouve à la croisée des chemins. Les tarifs imposés par l’administration Trump mettent en lumière les faiblesses structurelles de la stratégie commerciale et de la résilience de l’industrie canadienne. Si le Canada jouit d’une sécurité alimentaire et d’un environnement politique stable, sa capacité à innover et à étendre son influence mondiale reste freinée par des inefficacités structurelles. En adoptant des politiques prospectives, le Canada peut transformer ce défi en une occasion exceptionnelle – celle de renforcer son industrie agroalimentaire et de s’assurer une place de chef de file mondial en production et exportation alimentaires.