Je ne vous parlerais pas du caribou forestier qui est menacé à cause de la disparition de son environnement. Ce dont je vais vous entretenir c’est plutôt des menaces qui pèsent sur les producteurs de porcs indépendants (porc de proximité dans le jargon technique) suite à la disparition de leur environnement commercial. L’annonce d’Olymel de réduire ses achats de porcs de proximité, suivi d’une baisse de 40 dollars du 100 kg décrétée par l’agence de vente afin de sauver les meubles est perçue par plusieurs producteurs indépendants comme la fin.
Rappelons qu’il existe au Québec 3 types de producteurs de porcs, les porcs de proximité (porcs propriété d’éleveurs indépendants non liés à un abattoir), des porcs élevés à contrat par un abattoir et les porcs élevés en propriété par un abattoir. En plus des porcs produits au Québec, les abattoirs ont accès à des porcs élevés hors Québec. L’ordre d’approvisionnement d‘un abattoir se fait selon le marché disponible de la façon suivante : les porcs propriétés de l’abattoir comblent les besoins en premier, en deuxième suivent les porcs sous contrat de l’abattoir (peu importe la province où ils sont produits) et ensuite les porcs de proximité si le marché le permet.
Actuellement la grande majorité des porcs produits au Québec sont des porcs qui ont un lien direct avec l’abattoir (porc du propriétaire ou à contrat), ils comblent probablement les marchés sécurisés à moyen et long terme des abattoirs. L’approvisionnement des marchés plus incertains, les opportunités d’affaires et à moins grandes valeurs ajoutées sont comblés de plus en plus par l’approvisionnement de porc de proximité. Quand les opportunités de marché à court terme du porc deviennent plus incertaines, l’on arrête d’acheter du porc de proximité ou on en baisse le prix jusqu’au point où une opportunité de marché se présente. Une telle baisse de prix s’applique bien entendu à l’ensemble des porcs, cependant l’impact pour les porcs propriétés des abattoirs ou à forfait est nul : le manque à gagner du côté production est comblé par un surplus du côté abattoir.
Pour les porcs de proximité, ce manque à gagner a un réel impact, il est alors comblé par une série de programme de soutien gouvernemental.
Le soutien pour tous est anormal
Chose anormale lorsqu’il y a déclenchement des programmes de soutien l’ensemble des porcs, incluant ceux sous propriété ou sous contrat des abattoirs, reçoivent ce soutien. Compte tenu de la concentration des abattoirs de porcs au Québec, il est aberrant que les programmes de soutien à la production porcine s’appliquent aux porcs sous propriété ou sous contrat d’abattoir, en sachant que ces mêmes abattoirs peuvent manipuler volontairement ou involontairement la plus-value dans la chaine, un peu moins de plus-value dans la production un peu plus dans l’abattage.
Pas d’obligation d’ouvrir leurs livres pour les abattoirs
Rappelons qu’un abattoir n’a pas à ouvrir ses livres pour la plus-value qu’il fait dans le l’abattage, contrairement à un producteur qui doit le faire au niveau de la production. La situation actuelle est un bon exemple de cette aberration. La réduction de 40 dollars sur le prix conventionné va permettre d’une part aux abattoirs d’avoir un rabais sur une faible portion de leurs cochons (uniquement les porcs de proximité) mais va leur permettre de ramasser des compensations sur l’ensemble de leurs porcs s’il y a des compensations gouvernementales suite à la réduction de 40 dollars, réduction nécessaire suite à la réduction des approvisionnements de porcs de proximité.
Un abattoir a le droit de posséder des porcs ou d’en contracter, mais il ne devrait pas être admissible au même programme de soutien financier que des producteurs non liés à un abattoir, il devrait être exclu aussi de tout plan conjoint concernant des producteurs de porc non lié à un abattoir. Si ces abattoirs ont besoin de soutien, des programmes adaptés devraient être mis en place, ils devront ouvrir leur livre. Cela s’est heureusement bien fait lors du COVID, comme quoi quand on veut on peut.