C’est l’automne, la saison des magnifiques paysages… et des feuilles qui volent au gré du vent. Particulièrement celles du majestueux érable de votre voisin. C’est d’ailleurs à cette période-ci, chaque année, que vos accueillantes gouttières les accumulent. État de fait qui devient évident à la prochaine averse et qui vous oblige à sortir l’échelle pour aller les nettoyer pendant le déluge, faute de quoi votre bel aménagement paysager sera complètement détruit. Ce scénario, vous l’aurez compris, en est un parmi tant d’autres qui tire son origine de la présence d’un arbre sur la propriété de votre voisin.
D’un pas décidé, vous vous dirigez alors vers le garage pour sortir votre superbe scie à chaîne, dont vous rêvez de vous servir depuis deux ans, et vous vous rendez chez votre voisin absent pour couper le fameux érable qui vous cause tant de désagréments. Stop. Bien que le droit de jouir librement et complètement de votre propriété soit consacré au Code civil du Québec, ce droit a des limites : il vous est interdit d’abattre un arbre sur la propriété de votre voisin.
Cette interdiction s’étend même aux branches ou aux racines qui empiètent sur votre terrain. Si ces dernières nuisent sérieusement à l’usage de votre fonds, vous ne pouvez que demander à votre voisin de les couper et, en cas de refus, le contraindre à le faire par la voie des tribunaux. C’est également le cas même si l’arbre menace de tomber sur votre propriété : vous ne pouvez que demander à votre voisin d’intervenir et, s’il refuse d’obtempérer, le contraindre à abattre l’arbre ou à le redresser. Une nuance existe, toutefois, dans le domaine agricole. En effet, dans le cas où des arbres nuiraient à l’exploitation agricole d’un terrain, le propriétaire peut contraindre son voisin à abattre les arbres sur une largeur d’au plus 5 mètres de la ligne séparative. En revanche, une telle demande ne sera pas autorisée si votre voisin possède un verger, une érablière ou si les arbres sont conservés afin d’embellir sa propriété.
Et à quoi vous exposez-vous si vous décidez malgré tout de traverser la clôture mitoyenne et de laisser libre cours à vos talents de sculpture de tronc d’arbre? Eh bien en plus de vous exposez à un recours en vertu des articles 1457 (responsabilité civile extracontractuelle) et 976 (inconvénients anormaux de voisinage) du Code civil du Québec, vous serez fort probablement condamné à payer des dommages-intérêts punitifs allant jusqu’à 200$ pour chacun des arbres coupés en vertu de la Loi sur la protection des arbres. Dans certains cas, une amende pourrait même vous être émise par la municipalité.
Notre droit de jouir librement et complètement de notre propriété s’exerce toujours en tenant compte de celui de nos voisins. L’article 976 du Code civil le confirme : nous devons accepter les inconvénients normaux de voisinage. Rappelons que c’est la gravité et le caractère répétitif d’un acte, aux yeux d’une personne raisonnable, qui le qualifiera d’anormal. Et malheureusement pour celui qui videra ses gouttières sous la pluie battante, la jurisprudence a qualifié cet inconvénient de normal contrairement au fait d’exercer ses talents artistiques de sculpture sur bois sur l’érable du voisin…
En conclusion, si l’arbre de votre voisin cause des dommages à votre propriété, plutôt que de sortir votre scie nous vous recommandons de consulter un conseiller juridique.
Rédigé en collaboration avec Mme Annie Gauthier-Allard