Avec les misères du monde ces jours-ci, certains suggèrent que nous devons démondialiser et recentrer notre énergie pour rendre la plupart des économies du monde souveraines sur le plan alimentaire, y compris le Canada. Mais, au fil des ans et en particulier pour le Canada, le commerce mondial a bien servi la planète. Cependant le Canada peut faire mieux.
Tout d’abord, le monde tourne toujours autour des États-Unis et de la Chine. Tous les autres pays s’ajustent, y compris le Canada. Au total, 35 % des exportations chinoises sont destinées aux États-Unis. La Chine est également le premier client des États-Unis. Le Canada est un très petit joueur malgré son potentiel énorme en agroalimentaire.
Mais la crise Ukrainienne frappe la planète durement. Environ 15% de toutes les calories sur terre proviennent du blé. Le maïs couvre également beaucoup de terrain calorifique. Avec l’Ukraine dépassée par les sanctions contre la Russie, notre déficit mondial de blé cette année sera un défi important étant donné que 25 % des exportations de blé proviennent de cette région. Nous allons manquer de blé, de maïs, d’orge et de bien d’autres produits. D’ici à ce que nous en ayons fini avec 2022, il est probable que plus de 100 millions de personnes supplémentaires connaîtront soit la famine, soit une faim aiguë, ce que la planète n’a jamais vu auparavant. Et la Banque mondiale annonçait cette semaine que le coût des aliments sera un défi gigantesque pour encore deux ans, minimum.
La planète entière fonctionne selon un cycle de production de 90 jours. La contribution du Canada se produit évidemment à l’automne, avec les États-Unis et certaines parties de l’Europe. Avec le récent mandat de Biden sur l’éthanol, près de 40% de la récolte de maïs des États-Unis est utilisée pour l’éthanol, et non pour la nourriture. C’est insensé. Au Canada, c’est environ 10 %. Même si dame nature coopère cette année, contrairement à l’année dernière, notre production ne sera pas suffisante pour éliminer le déficit alimentaire auquel nous faisons face.
Par contre, le Canada peut agir et faire partie de la solution. Parmi certains des défis auxquels nous sommes actuellement confrontés, l’accès aux engrais en est certainement un qui est important. En effet, les agriculteurs ont besoin d’engrais pour produire des cultures. Or, ces intrants critiques pour les agriculteurs valent en moyenne près de 1 500 $ US la tonne, soit cinq fois plus cher que ce qu’ils étaient il y a douze mois. Ce marché est contrôlé par une poignée de multinationales très avides qui gèrent l’approvisionnement de leurs produits pour augmenter artificiellement les prix des engrais. Certaines d’entre elles sont au Canada. Cela doit cesser.
Nous payons également pour des années de dénigrement envers l’ingénierie générique véhiculé dans les médias par des groupes qui ont utilisé la peur pour proposer un régime alimentaire centré sur le bio aux citadins aisés. De plus, des groupes ont exercé des pressions imprudentes sur les conseils municipaux et les gouvernements provinciaux pour interdire l’utilisation de produits chimiques, utilisation qui permet à l’agriculture d’être plus rentable et plus efficace. Le processus d’approbation pour de nouvelles cultures étant modifiées génétiquement peut prendre des années dans de nombreux pays développés, dont le Canada, assurant la sécurité des produits. L’agriculture est ancrée dans une approche technologique, plus que jamais et le processus d’approbation doit être simplifié.
Le Canada est l’un des plus vastes pays du monde, cela avec moins de 39 millions de personnes vivant dans le pays. La démondialisation signifie essentiellement pour les Canadiens une réduction de notre niveau de vie car près de 60 % de notre richesse émane du commerce international. Tout simplement, le commerce rend notre nourriture plus diversifiée et abordable. Mais cela ne signifie pas que notre approche actuelle n’a pas besoin d’être corrigée; c’est certainement le cas.
Les systèmes alimentaires performants ne sont pas à l’abri des forces destructrices telles que les changements climatiques et une pandémie mondiale. Des tyrans comme Vladimir Poutine ne peuvent qu’empirer les choses. Une approche 2.0 exigera non seulement que les nations adhèrent à une conduite humanitaire acceptable pour participer à une économie ouverte, mais les nations doivent également s’assurer que les agriculteurs ne soient pas pris en otage par les puissantes entreprises contrôlant l’industrie des engrais.
Le Canada devra prendre actions pour rendre notre agriculture plus efficace et productive, au moyen d’une solide stratégie d’autonomie alimentaire. La seule province au Canada ayant déjà adopté une telle stratégie est le Québec. Le Canada a besoin d’une voie pour produire plus dans une économie ouverte, nous offrant un meilleur accès et des prix abordables tout en faisant croître notre agriculture par le commerce de manière durable. Une stratégie globale inclurait à la fois des pratiques durables en matière d’utilisation de l’eau et d’énergies renouvelables pour soutenir notre production.
L’ambition nous manque au Canada. Si nous faisons les choses correctement, dans quelques décennies, nous pourrions arriver à approvisionner en nourriture la Californie, qui manque d’eau, et non l’inverse. Une pensée audacieuse nécessite une stratégie audacieuse. Le Canada peut faire mieux, nous avons tant à offrir.
Sur la photo: Sylvain Charlebois et Yannick Patelli, éditeur La Vie agricole
Vos arguments sont intéressants, mais vous semblez oublier qu’entre 20% (https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/perte-gaspillage-alimentaire/bilan.html) et plus de 50% (https://wrwcanada.com/en/get-involved/resources/food-waste-themed-resources/food-waste-canada-facts) de la nourriture produite au Canada est jetée, que ce soit à la ferme, en magasin, dans les institutions ou chez le consommateur. Ça me semble un chantier très important pour assurer notre sécurité alimentaire.