L’industrie du porc va encore mal, et personne ne semble se poser la question si notre modèle de développement de cette industrie est le bon. Pour la sauver une autre fois le gouvernement devra y consacrer encore des centaines de millions de dollars en attendant la prochaine crise.
Les Barons du cochon, ou plutôt le baron du cochon, Sollio, utilisera encore l’ASRA pour sauver son modèle de développement : un modèle d’intégration coopératif qui a gobé pratiquement toute l’industrie du porc, à coût de subventions à la production (ASRA). L’emprise de Sollio dans le porc est tellement grande aujourd’hui que ses difficultés entraînent l’ensemble du secteur porcin et probablement plus.
Une de mes lectures, sur un livre sur l’industrie de l’enveloppe aux États-Unis datant de 1952, qui à première vue peut apparaître très loin de l’industrie du porc québécoise, est fort intéressante quant à la réflexion sur la libre entreprise.
En 1952, l’industrie de l’enveloppe aux États-Unis emploie 14,000 personnes et représente des ventes directes de 165,000,000 dollars (équivalent en 2023 à 1,8 milliard (US).
Voyez une traduction des plus intéressantes de deux passages : « Quiconque souhaite étudier la libre entreprise américaine au travail y trouvera tous les éléments essentiels dans l’industrie de l’enveloppe. Il y a la lutte pour une plus grande production, non pas par l’exploitation des employés, mais par des machines plus efficaces. Il existe une concurrence féroce et en même temps une coopération légale qui profite à l’industrie ».
Autre passage des plus intéressants c’est l’opinion que cette industrie a de l’intégration (horizontale et verticale) : « En conséquence, l’industrie de l’enveloppe évite la confusion économique qui peut résulter, par exemple, de l’exploitation d’une section d’une industrie à perte afin de réaliser un profit sur une autre section. » Des commentaires qui pourraient s’appliquer à ce qui se passe actuellement dans l’industrie du porc au Québec.
L’on retrouve cette confusion économique dans l’intégration du porc, où l’on tolère une perte dans une ou plusieurs sections de l’industrie du porc afin de faire des profits dans une autre section. L’ASRA a d’ailleurs contribué à cet état de fait. Cette situation a éliminé les acteurs qui étaient dans les secteurs à perte, sans égards à leur performance économique, laissant toute la place à l’intégration qui décide et contrôle les secteurs à profit.
Cela a éliminé la compétition et par conséquence l’innovation indispensable à la santé de l’industrie du porc. Le secteur porcin québécois avait il y a plus de 30 ans une des meilleures réputations mondiales : un secteur de l’abattage qui a attiré les Japonais, une des meilleures génétiques au monde, et une multitude d’éleveurs parmi les meilleurs au monde. Peut-on en dire autant aujourd’hui? On est maintenant dans la moyenne.
Aidez la production agricole doit être une préoccupation de nos gouvernements, mais c’est aussi la responsabilité de nos gouvernements à voir à ce que cette aide ne vienne pas ajouter de la « confusion », mais qu’elle vide plutôt à soutenir « une concurrence féroce et en même temps une coopération légale qui profite à l’industrie ».
Mais peut-être qu’en 2023, au Québec, ce n’est plus le modèle économique de la libre entreprise que les gens en 1952 décrivaient.