Un «flip» agricole à Saint-Isidore?

La Vie agricole a reçu un dossier provenant de Gabriel Blais, sociétaire de la Ferme de Sartigan, entreprise agricole récipiendaire du prix lait’xcellent Or provincial en Beauce. M. Blais s’insurge de l’autorisation par la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) du développement domiciliaire à St-Isidore sur des terres agricoles alors que selon sa lecture les conclusions de la CPTAQ dans d’autres dossiers ne seraient pas nécessairement équitables. Dans un précédent dossier soumis pour l’aménagement d’un étang hydro-agricole dans le même secteur en 2018, la CPTAQ l’avait recalé. M.Blais soupçonne par ailleurs dans le cadre des terres vendues à Saint-Isidore la réalisation d’un «flip» agricole.

Plus payant le résidentiel que les grandes cultures?

Même si l’histoire ne dit pas quelle plus-value a été réalisée dans la transaction, Gabriel Blais estime que l’opération a été un «flip» intéressant pour la compagnie qui a vendu ses terres à la municipalité de Saint-Isidore : «C’est l’une des plus grosses entreprises agricoles de la paroisse, Steegrain inc, qui est spécialisée dans les travaux à forfait, ainsi que la culture de soya et de maïs Roundup ready qui a vendu le lot à la municipalité pour une somme avoisinant le demi-million de dollars. Bref, un “flip” de terre très payant puisqu’elle avait acheté le lot quelques années avant pour le cultiver seulement 4-5 ans et ensuite le revendre à la municipalité à très bon prix.», nous écrit Gabriel Blais.

M.Blais nous explique qu’il s’agit de deux dossiers distincts, mais dont les projets sont situés sur des «lots agricoles voisins (…) séparés par le quatre-chemins de St-Isidore (intersection route du Président Kennedy/route Coulombe)».

L’histoire de l’étang hydro-agricole

En juillet 2018, la Ferme de Sartigan souhaite aménager un étang pour favoriser la biodiversité en milieu agricole dans le cadre du programme Prime-Vert du MAPAQ en collaboration avec le Conseil du bassin versant de la rivière Etchemin (CBE) et la fondation de la faune. «Toutefois, les commissaires de la CPTAQ ne semblent pas être sensibles à la cause environnementale et refusent catégoriquement le projet insistant sur le fait que le projet n’aura pas d’impact positif et que les terres agricoles dans ce secteur ont une très grande valeur agronomique et que toute perte de superficies cultivables aussi petite soit-elle est irrécupérable en raison du REA ( Règlement sur les exploitations agricoles).», nous précise Gabriel Blais.

La requête de 2028 prétendait : «L’étang prévu serait aménagé dans une dépression d’un champ cultivé, et l’eau s’évacuerait par le déversoir naturellement présent au champ. (…) L’étang aurait d’abord comme rôle la filtration du milieu, mais permettrait aussi de créer de nouveaux habitats pour la faune et la flore (…) Il s’agit d’une intervention prioritaire dans ce bassin versant en raison de la forte pression agricole du secteur.»

C’est non pour la CPTAQ

«La Commission, après pondération de l’ensemble des critères, considère que cette demande devrait être refusée, puisqu’elle aurait des impacts sur la ressource et la pratique des activités agricoles. (…) De l’avis de la Commission, les travaux projetés, en plus d’apporter des contraintes importantes aux possibilités d’utilisation à des fins agricoles du lot visé, n’apporteraient pas une amélioration suffisamment intéressante pour compenser la perte de ressources qui en résulterait, ce qui s’avère particulièrement important dans une municipalité assujettie au REA.», dit le rapport.

L’histoire du développement domiciliaire

En février 2022, la municipalité de Saint-Isidore veut agrandir son périmètre urbain et la CPTAQ acquiesce à sa requête et demande l’exclusion de la zone agricole de plus de 16 hectares de terres arables pour que la ville puisse construire 300 unités de logements, «ce qui représente un étalement urbain de très grande envergure pour le village, et ce, juste à côté de la Ferme de Sartigan», nous écrit M.Blais.

La CPTAQ serait-elle partiale ? Gabriel Blais s’inquiète de l’impact réel sur le territoire agricole Québécois.

Que dit le rapport de la CPTAQ en lien avec le développement domiciliaire?

Dans le cas de 2022, on écrit dans le rapport : «La Municipalité de Saint-Isidore souhaite agrandir les limites de son périmètre d’urbanisation afin de poursuivre son développement résidentiel pour les 15 prochaines années. (…) La Municipalité de Saint-Isidore est propriétaire de pratiquement toute la superficie demandée en exclusion, laquelle pourrait accueillir 56 résidences unifamiliales isolées, 108 résidences unifamiliales jumelées ou attachées et 96 logements dans 16 immeubles multilogements, pour une densité globale d’environ 16,1 logements/hectares».

L’un des arguments de la municipalité tient au scénario de référence des projections démographiques de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) qui prévoit pour la période 2021-2031, une stabilisation de la population pour Saint-Isidore.

Alors pourquoi plus de maisons ?

On explique : «Si les tendances observées au cours des 30 dernières années se maintiennent, le nombre moyen de personnes par ménage (2,6 personnes en 2016) devrait continuer de chuter.  Ainsi, le nombre de ménages continuera d’augmenter plus rapidement que le nombre de personnes, entraînant des besoins accrus en logements.»

Qu’en pense L’UPA?

«La Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches reconnaît les besoins de la Municipalité puisque le nombre d’espaces vacants à l’intérieur du périmètre urbain semble limité, mais elle doute qu’une superficie aussi grande soit nécessaire afin de combler les besoins pour l’instant». Pour l’UPA une exclusion pour 16,1 hectares c’est trop et la fédération rappelle que les exclusions précédentes n’ont pas dépassé 9 hectares, peut-on lire dans le rapport de la CPTAQ.

De son côté le maire de Saint-Isidore, M. Réal Turgeon, rappelle que «Saint-Isidore est entourée de très bonnes terres agricoles et peu importe dans quelle direction se fera son prochain développement, celui-ci se fera en zone agricole. Le défi est d’identifier le secteur où les impacts seront les plus faibles sur les activités agricoles».

La CPTAQ dit oui à la municipalité

Dans le cas de la demande de Saint-Isidore, pari gagné pour la municipalité. La CPTAQ ordonne «l’exclusion de sa zone agricole d’une superficie approximative de 16,1 hectares, correspondant aux lots 3 028 797, 3 028 798, 3 028 799 et 3 028 800, ainsi qu’à une partie des lots 3 029 505 et 6 354 523 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Dorchester».

 

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