Le 14 juin dernier, un chantier de plantation de 4 jours s’est conclu sur un tronçon de 2,6 kilomètre de long de la rivière la Petite Blanche sur les terres de la Ferme Sternli à Lochaber, en Outaouais. L’équipe d’Arbre-Évolution, qui a opéré le chantier de reboisement, a également injecté plus de 137 000$ dans le projet grâce à la vente de crédit-carbone via le programme Carbone riverain.
Un programme axé sur la conservation et la biodiversité
C’est en 2018 qu’est né chez Arbre-Évolution l’idée d’utiliser le marché volontaire du carbone comme levier financier pour protéger les bandes riveraines en milieux agricoles. « Nous mobilisons déjà des centaines de partenaires financiers dans le marché volontaire depuis 2014, avec le Programme de Reboisement Social. Nous connaissons donc le potentiel. Et nous réalisons déjà des plantations agroforestières chez les agriculteurs depuis 2010. Nous avions donc l’expertise pour lancer un tel programme », explique Simon Côté, coordonnateur d’Arbre-Évolution, une coopérative de solidarité également enregistrée en tant qu’entreprise agricole. Interpellé par la dégradation constante de la qualité de l’eau, au Québec comme ailleurs, mais aussi par la perte drastique de biodiversité à tous les niveaux, Arbre-Évolution déploie donc officiellement depuis 2021 le programme Carbone riverain, un système agroforestier de deux rangées d’arbres entre le 3e mètre et le 8e mètre à partir de la ligne des hautes eaux d’un ruisseau. Comme la loi force les agriculteurs à ne pas cultiver à moins de 3 mètres du cours d’eau, le programme Carbone riverain étire le boisement de 5 mètres additionnels dans le champ, créant ainsi de grand corridor faunique et écologique.
Une compensation financière substantielle pour l’agriculteur
En contrepartie de la perte d’espace cultivable, le producteur agricole reçoit une somme d’environ 24 000$ par hectare, dont la taille fait 2000 mètres de long par 5 mètres de large. « Il est certain que nous voulons en faire davantage pour préserver la nature, mais les marges sont très minces en agriculture, et on ne peut pas assumer tous les coûts. En plus de couvrir 100% des dépenses, Carbone riverain me donne un montant qui me permet de laisser aller en conservation une toute petite partie de mes terres, mais de réduire mon impact direct sur le cours d’eau », raconte Roger Daetwyler, propriétaire de la ferme Sternli, une entreprise familiale spécialisée dans la production laitière. Le montant de compensation est versé en deux versements, soit 75% dès la signature de la servitude de conservation, et le montant résiduel 3 ans plus tard.
Conservation à perpétuité et crédit-carbone de haute qualité
Un des éléments phare du programme est la signature d’une servitude de conservation à perpétuité entre l’agriculteurs et la Fiducie d’utilisé social et agroécologique Carbone riverain. « De cette manière, nous garantissons aux acheteurs de crédits-carbone que leur investissement sera permanent et qu’il n’y aura pas de retour en arrière dans le futur. Pour nous, c’est important que la nature en sorte gagnante, pour toujours » ajoute M. Côté. Au total, douze entreprises québécoises ont financé le projet de la Ferme Sternli, dont Brûlerie Faro, Fruit d’Or, Farinex, Aventure Écotourisme Québec, Multicolore et le Réseau des experts Nutrite, ayant tous mis plus de 10 000$. « Pour nous, c’est un programme tout à fait aligné à nos engagements socio-environnementaux. La compensation carbone c’est une bonne chose, mais la biodiversité et la conservation le sont tout autant. C’est formidable de pouvoir adresser tous ces enjeux en même temps », conclut Maxime Fabi, propriétaire de Brulerie Faro, qui s’est même déplacé pour planter bénévolement, tout comme des employés de Multicolore et une dizaine d’étudiants du Centre horticole de Laval.