
« Le Québec ne peut à la fois dénoncer le protectionnisme américain et défendre un système rigide de gestion de l’offre : l’heure est venue d’aligner notre agriculture avec les réalités d’un marché globalisé. »
Un événement de presse organisé par le Front commun pour la sécurité alimentaire et les régions du Québec s’est tenu cette semaine à Montréal. L’accent a porté sur les tarifs douaniers de 25 %, qui entreront en vigueur mardi prochain et qui pourraient entraîner des conséquences dévastatrices. Avec l’imposition de contre-tarifs, la capacité du Québec à exporter pourrait se voir sérieusement compromise.
Le groupe a non seulement condamné l’irresponsabilité de l’administration Trump, mais a également demandé une aide financière des instances gouvernementales. Aucun montant précis n’a été avancé.
Tous les acteurs majeurs de la filière agroalimentaire y assistaient : l’Union des producteurs agricoles, les transformateurs, Aliments Québec, les détaillants et même l’ancien premier ministre québécois Jean Charest. Deux messages clés ont émergé de cet événement.
Premièrement, il est essentiel d’encourager la consommation locale et québécoise. Selon plusieurs sondages, les consommateurs portent une attention croissante à l’origine des produits qu’ils achètent. Des applications mobiles indiquent une augmentation de leur utilisation de 75 % à 90 %. Le trafic sur le site d’Aliments du Québec explose. Toutefois, l’intention ne se traduit pas toujours par des achats. Selon les données publiées par Loblaw la semaine dernière, les ventes de produits canadiens ont augmenté d’environ 10 % ces dernières semaines. Bien que significatif, ce pourcentage reste très loin d’atteindre 100 %.
Deuxièmement, l’importance d’informer les consommateurs sur l’origine des produits et de fournir un étiquetage adéquat demeure essentielle, qu’il y ait ou non une administration protectionniste à Washington. Cependant, la position du Front commun suscite un malaise profond.
Au Québec, les secteurs sous gestion de l’offre (lait, volaille et œufs) jouent un rôle essentiel dans l’économie agricole. En 2024, ces trois secteurs représentaient environ 6,37 milliards de dollars, soit près de 50 % des recettes agricoles totales de la province, estimées à 13 milliards de dollars. Cette réalité met en évidence la dépendance de l’agriculture québécoise à la gestion de l’offre, garantissant la stabilité des revenus des producteurs et la sécurité alimentaire.
Toutefois, la gestion de l’offre constitue sans doute l’une des politiques les plus protectionnistes au monde. Avec un système de quotas géré par la province, les tarifs douaniers élevés appliqués aux produits importés atteignent entre 200 % et 300 % pour les produits laitiers. Pire encore, depuis 2020, bien que les Américains puissent importer certains produits exempts de tarifs douaniers, très peu ont atteint nos tablettes en raison de quotas d’importation attribués à des entreprises sans intérêt à accroître la concurrence au Québec.
Ainsi, alors que le Front commun dénonce le protectionnisme américain, l’agriculture québécoise bénéficie depuis longtemps de mesures protectionnistes. Il devient impératif de reconnaître que le monde a changé en 50 ans, depuis l’instauration de la gestion de l’offre. Le « non négociable » du premier ministre François Legault à Washington ne tient plus, surtout ailleurs au Canada et notamment pour le secteur laitier.
Avec un peu plus de 20 % de la population canadienne, le Québec produit près de 40 % du lait du pays, majoritairement issu de petites fermes, ce qui pousse les prix industriels à des niveaux inégalés ailleurs dans le monde. Produire du yogourt ou du fromage au Canada coûte cher en raison du manque de compétitivité des fermes de l’est du pays, et en particulier au Québec.
Il serait judicieux d’harmoniser l’allocation des quotas au niveau fédéral et de compenser les fermes laitières afin de stimuler l’optimisation opérationnelle. Pourquoi ne pas créer une nouvelle classe de quotas permettant d’attirer de nouveaux investisseurs pour développer des marchés internationaux??
Pensons grand. Les Québécois méritent d’avoir des produits du Québec dans leur assiette, mais le monde entier en veut aussi. Le potentiel est immense.