L’abattoir d’Exceldor devenu le projet à abattre?

Le débat sur le dézonage de terres agricoles à Saint-Hyacinthe est au cœur des débats en ce moment. Le maire de la ville, Claude Corbeil que nous avions interrogé en janvier dernier se disait déçu de la CPTAQ ( La Commission de protection du territoire agricole du Québec)  et de l’UPA Montérégie qui bloquaient déjà début 2020 le projet d’installation d’un abattoir par Exceldor à Saint-Hyacinthe. La commission a refusé à la ville dans un premier temps et à la MRC dans un second temps le dézonage pour un abattoir de poulets qui pourrait créer 650 emplois. L’UPA se dit en accord avec la décision de la CPTAQ, mais le premier ministre François Legault de passage cet été a semblé plutôt en faveur du développement voulu par le maire Corbeil. Le débat est donc de plus en plus public.

Pour mieux comprendre les enjeux derrière cette demande, La Vie agricole a contacté la conseillère principale en relation publique d’Exceldor, Gabrielle Fallu.

Répondre aux besoins de 40 % de ses membres

Mme Fallu nous a confirmé que «la coopérative forte de ses 260 membres, tous membres aussi de l’UPA a besoin de ce projet parce que 40 % des éleveurs de volailles sont dans le secteur de la Montérégie. Par ailleurs les abattoirs actuels de la coopérative sont situés à Saint-Anselme et à Saint-Damase et ce dernier est d’ailleurs, dit-elle, en fin de vie utile.».

Une activité agricole par extension

Pour Gabrielle Fallu, il apparait normal qu’une activité d’abattage soit reconnue comme utile à l’agriculture. Il s’agit, selon elle, d’une activité agricole par extension.

Elle déplore qu’il n’y ait pour le moment aucun dialogue possible, notamment avec l’UPA de la Montérégie. Toutefois elle reconnait que seule la CPTAQ aura non pas le dernier mot, mais le seul mot. «La loi est ainsi faite.»

Des sorties médiatiques contre l’abattoir à pelletée

Depuis que ce débat devient de plus en plus public, des lettres sortent dans la presse : Voix citoyenne, Protec-Terre, Équiterre et quelques autres ont fait savoir qu’ils s’inquiètent de la déclaration de M. Legault concernant le dézonage de terres agricoles à Saint-Hyacinthe.

« Dans sa tournée des régions du Québec, le premier ministre François Legault s’est alors prononcé en faveur d’un ‘’dézonage agricole’’ qui permettrait à la coopérative agricole Exceldor d’y relocaliser une usine de transformation de volaille. Il a plaidé pour cet investissement de près de 200 M $ et les 600 emplois qui y sont rattachés. », écrivent-ils.

«Le premier ministre se disant déçu d’une ‘’malheureuse’’ décision antérieure de la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) sur le même sujet, a appelé les parties à s’entendre avec elle concernant une nouvelle demande. Ce faisant, il s’est ingéré dans un dossier de nature juridique en traitement», estiment les contestataires au projet.

Ceux-ci rappellent que «Le Québec est un état qui se gouverne à travers un cadre légal régi par des processus démocratiques. La Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) fait partie des outils majeurs dont s’est doté le Québec. Elle contribue à assurer la pérennité de l’activité agricole et la sécurité alimentaire des générations à venir».

Ces signataires souhaitent que des sites alternatifs identifiés par la CPTAQ soient choisis.

Ils s’appuient aussi sur les mémoires de Garon : «Dans ses mémoires, l’ex-ministre Jean Garon, qui a fait adopter le zonage agricole en 1978, raconte avoir dû déployer toutes ses énergies pour expliquer à ses collègues que ‘’la protection du territoire agricole” était une question d’intérêt national qui ne pouvait pas être laissée entre les mains d’autorités régionales’’ (page 236).»

«Quand le premier ministre énonce que c’est la volonté des citoyens qui, à travers les élus municipaux, devrait prévaloir en matière de gestion de la zone agricole, il fait preuve d’une grande méconnaissance des réalités et de la Loi. », écrivent-ils

Le débat sur le zonage agricole doit reprendre

Le débat sur les 40 ans de zonage agricole organisé l’an passé par l’Institut Jean-Garon au Musée national des beaux-arts du Québec a permis d’échanger sur la modernisation de la loi, mais il semble évident qu’il n’a pas suffi à définir le modèle à suivre pour l’avenir et que les débats doivent se poursuivent.

L’ancien attaché de presse de Jean Garon avec deux autres personnalité, Hélène Alaire, première femme agronome au Québec, Jacques Landry directeur du service de la protection des terres agricoles lors de l’adoption de la loi s’inquiètent tous trois de la situation. Ils ont écrit récemment une lettre dans le devoir.

Eux aussi réfèrent à Jean Garon : « ‘’Le renard s’approche du poulailler’’, aurait dit l’ancien ministre Jean Garon, père de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA), en entendant la déclaration du premier ministre François Legault lors de son passage à Saint-Hyacinthe le 25 août dernier.», écrivent-ils.

Selon eux, « En lisant entre les lignes, on comprend que M. Legault croit que les élus locaux, en l’occurrence les membres du conseil municipal de Saint-Hyacinthe, devraient avoir un poids plus important, sinon le dernier mot, dans la délimitation de la zone agricole, surtout lorsque l’implantation d’une méga-usine de 600 employés est en jeu.»

«Étrangement, la déclaration de M. Legault survient peu de temps après le refus par son ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, de céder au même genre de pression des élus locaux pour ‘’tasser’’ la CPTAQ, en recourant à un pouvoir d’exception de la loi. Cela concernait aussi un parc industriel, soit une nouvelle implantation à Saint-Jean-sur-Richelieu. La cohérence gouvernementale n’est certes pas au rendez-vous», précisent-ils.

Double discours gouvernemental ?

Y a-t-il un double discours au gouvernement : le premier ministre Legault dit il comme le ministre Lamontagne ?

Pourtant le ministre de l’Agriculture du Québec nous confiait lors d’une entrevue pour la série documentaire ‘’ La Vie agricole’’ diffusée depuis le 22 septembre sur MAtv que le premier ministre l’écoute maintenant «avec ses deux oreilles».

Le premier ministre du Québec a été sensibilisé au dossier de la souveraineté alimentaire de facto en raison de la pandémie selon lui.  On peut d’ailleurs le croire à voir les sorties en point de presse de M. Legault depuis quelques mois où l’on constate que les sujets de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont pris du galon.

Des producteurs derrière le maire Corbeil

Plusieurs producteurs se sont exprimés dans le journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe en soutien au maire Corbeil, lui-même ancien producteur. Certains producteurs ont aussi contacté La Vie agricole et voient également l’agroalimentaire comme une extension de l’agriculture et ils sont donc sur la même longueur d’onde que les communications d’Exceldor.

Selon nos sources, ce ne sont pas seulement les producteurs de volailles qui soutiennent le projet d’abattoir à Saint-Hyacinthe, des producteurs de céréales du secteur voient le développement de la coopérative Exceldor comme un bienfait pour le développement agroalimentaire. Ces producteurs se disent pour le développement agricole et agroalimentaire et in fine sont donc pour plusieurs en faveur du projet du maire Corbeil.

«Si Saint-Hyacinthe est la capitale de l’agroalimentaire le restera-t-elle si on refuse des produits de transformations des produits de la ferme», nous a-t-on confié.

Relancer le dialogue

Le dialogue est rompu. Le dossier s’enlise. Le président de l’UPA de la Montérégie, ancien candidat encore tout récemment pour la vice-présidence de l’UPA au niveau provincial cherche-t-il à se positionner pour l’avenir, nous disent certains ? Le rôle de la famille Overbeek, propriétaires, puis exploitants, des dites terres vendues à la ville maintenant en vue d’être dézonées doit-il être pris en compte dans le combat qui s’amorce entre la ville et l’UPA ?

L’une des solutions passerait-elle par une demande moindre de 14 hectares, liés directement aux besoins d’Exceldor plutôt que 23 hectares ?

La Ville de Saint-Hyacinthe donnerait-elle alors l’assurance à la CPTAQ que son combat est bien seulement pour défendre l’agriculture et les activités qui en dépendent et qu’aucun autre projet industriel n’est ciblé pour les 9 autres hectares ?

 

 

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