Dans le cadre d’une activité Bélisle, Vincent Cloutier, conseiller principal en agriculture et agroalimentaire à la Banque Nationale a fait la semaine passée un exposé sur les enjeux et perspectives en agriculture et agroalimentaire pour les mois à venir. Des enjeux climatiques, à la peste porcine africaine en passant par le dossier du lait et le prix du bœuf et des terres, tour d’horizon d’un expert économiste.
D’emblée sur les enjeux climatiques : « On a encore rien vu!»
«Je disais il y a 10 ans», commence alors Vincent Cloutier: «L’accord de Paris était plus ou moins insignifiant. Qu’est-ce qui manquait là-dedans ? Les taxes carbone et là ça commence à changer.».
En cette période de COP26, l’avenir serait-il plus encourageant pour contrer les enjeux climatiques ?
«Sur les changements climatiques, on n’a encore rien vu! M.Guilbeault n’aura pas une job facile comme ministre de l’Environnement du Canada», de souligner Vincent Cloutier.
On est sous une emprise des carburants fossiles et certains pays pétroliers ont maintenu le pétrole à bas cout, mais là, «la prise de conscience que l’économie verte devient une réalité, c’est le temps de remplir les coffres avant le revirement de la société.», de dire Vincent Cloutier d’où l’augmentation des derniers temps du prix du pétrole. Nous sommes face à une transition lente, mais inévitable et il y a la volonté de la part des états pétroliers de renflouer les coffres, précise-t-il.
Par contre l’impact des changements climatiques peut entraîner un élargissement des espaces cultivables et cela est vrai pour le Canada, pour la Russie, pour le nord de l’Europe. Le beau côté des choses pour certains pourrions-nous dire !
Quel avenir pour l’agriculture canadienne? La Chine incontournable!
Une chose est sûre pour Vincent Cloutier, l’agriculture va bien. « On est en belle période même si rien n’est homogène.», dit-il.
Seules réelles problématiques à surmonter actuellement : la pénurie de main-d’œuvre, l’explosion des coûts du transport, la météo capricieuse et le danger de la peste porcine africaine qui guette.
Il rappelle toutefois que les années 2020/2021 sont dans un environnement qui rejoint les années au tournant de 2010 et même le début des années 70 en ce qui a trait à l’inflation.
Pour le reste concernant les difficultés d’approvisionnement il dira : «Il faut faire la part des choses : si les skis sont rares, dans l’alimentaire on a encore du stock.».
Mais la production de grains au Canada n’a pas tant de soucis à se faire à écouter Vincent Cloutier qui dira : « Les cochons en Chine sont maintenant nourris comme ceux de l’Amérique du nord».
«On s’en va où avec le prix des grains ? Quelqu’un doute-t-il encore de la place de la Chine dans le portrait commercial ? »
«Je vois un changement structurel qui va amener la Chine à importer encore soya et mais. La peste porcine africaine a donné un bon coup de gaz en ce sens. On est passé d’élevages de porcs nourris avec des restes de tables à de véritables élevages similaires au fonctionnement nord-américain.», souligne-t-il.
Il conseille d’être avancé sur les contrats d’intrants en raison des prix en hausse encore pour 2022. Il rappelle que concernant les grains si la saison en Amérique du Sud s’avérait mauvaise on n’aurait peut-être encore rien vu sur l’envolée des prix des grains.
Sur le Lait, une valeur sûre qui perdure
Vincent Cloutier juge l’année qui s’achève d’ordinaire côté coûts et d’année ordinaire côte production aussi, dans le secteur laitier. Il souligne que la compensation de 460 millions de dollars jusqu’en 2023 liée aux accords internationaux joue son rôle, mais rappelle que ces traités seront là à vie et que la croissance du marché canadien est accaparée par ces importations.
«Je ne vois pas de nouvel accord pour ce qui est du lait dans les 10 prochaines années, s’il y a des ouvertures ce serait plutôt dans le cadre des accords du Mercosur qui pourrait nous amener une importation plus importante de poulet brésilien.», précise-t-il.
«Manifestement, il y a des entrepreneurs qui voient un avenir dans le lait», dit même l’économiste Cloutier.
Un des indicateurs dans le lait parmi les plus significatifs, souligne-t-il, c’est que le quota laitier en Alberta en septembre était à 48 000 $, à 42 000$ en Saskatchewan, et à 36 000 $ en Ontario, loin devant le quota plafonné du Québec à 24 000 $.
«Si le quota n’était pas plafonné au Québec, il ne serait plus à 24 000 $. Mais je serai surpris qu’on enlève le plafond du quota laitier au Québec», conclut-il.
Ce serait plutôt l’Alberta qui pourrait décider de plafonner à son tour selon Vincent Cloutier.
Le sujet de l’année dans le lait ! L’huile de palme «Le consommateur est le patron!»
Sur la saga de l’huile de palme des tropiques pour nourrir les vaches, Vincent Cloutier dit qu’il faut comprendre : «qu’il y a une voix citoyenne qui dit :’’Des produits rattachés à l’huile de palme je n’en veux pas dans mon lait’’. Et le consommateur est le patron!».
Il rappelle que certaines compagnies comme Ferrero ont trouvé une solution en utilisant de l’huile de palme provenant de cultures durables selon 22 critères établis par le WWF ( Fonds mondial pour la nature).
Ce que ça nous dit précise Vincent Cloutier c’est qu’il y a des solutions :« On n’est pas toujours obligé de jeter le bébé avec l’eau du bain»
Prix du bœuf en hausse et baisse de l’exportation : « Mieux partager dans la filière»
«La hausse du prix du bœuf va entrainer encore plus la baisse de la consommation dans les pays industrialisés donc la proportion de notre production dans ce domaine va et ira vers l’exportation. Et c’est vrai pour le bœuf comme le porc.», dit Vincent Cloutier.
Mais ajoute-t-il : «L’industrie bovine doit prendre le taureau par les cornes. Il faut apprendre à mieux se partager les revenus dans la filière».
Coût des terres et taux d’intérêt ? «L’inflation ne sera pas passagère»
S’il affirme que 2021 a été marqué par une grosse augmentation du prix des terres, il prédit une année plus normale en 2022. Il reconnait toutefois que les taux d’intérêt vont augmenter, mais «Pas tant !». Par contre l’augmentation des taux va se faire sentir dès le début de l’année 2022 contrairement à ce que nous pouvions dire encore il y a quelques mois.
«Mais l’inflation ne sera pas passagère», assure-t-il.
Le plus grand danger qui nous guette?
«Si la peste porcine africaine devait toucher l’Amérique du Nord, nous serions face à un cataclysme à l’image de la vache folle de 2003», lance en conclusion Vincent Cloutier comme pour nous rappeler que rien n’est jamais gagné d’avance.