Jean Garon dans ses mémoires écrites en 2013 « Pour tout vous dire», dresse un portrait on ne peut plus clair sur la relation perpétuelle entre l’UPA et les ministres de l’Agriculture. Il est intéressant de relire quelques extraits pour comprendre la mécanique du fonctionnement au plus haut niveau de l’État.
Extrait de «Pour tout vous dire» par Jean Garon- 2013
Un ministre pas trop faible, mais, surtout, pas trop fort
Les relations entre l’UPA et le ministre sont assez particulières. À la fois organisation syndicale et regroupement d’hommes d’affaires, l’UPA est un partenaire essentiel du ministre de l’Agriculture en même temps que son critique le plus féroce. Elle a besoin que le ministre ne soit pas trop faible pour que les dossiers agricoles avancent, mais aussi et surtout qu’il ne soit pas trop fort, afin de paraître auprès de ses membres comme étant celle qui mène la danse. Il n’y a rien que l’establishment de l’UPA déteste plus que d’apprendre en même temps que tout le monde la mise en place d’une nouvelle politique ou un nouveau programme agricole. Il lui est alors plus difficile de s’en attribuer le crédit. Par ailleurs, comment justifier son rôle de revendication quand il y a de moins en moins de choses à revendiquer?
Je me souviens d’avoir reçu des «night letters» de l’UPA la veille de conférences de presse importantes. Connaissant mes orientations, il n’était pas difficile pour l’organisation de deviner la teneur de ce que je me préparais à annoncer et de m’en réclamer la primeur…à trois heures du matin!
L’accès des intégrateurs à l’ASRA, une erreur majeure
Au cours de mes neuf années à l’Agriculture, il y a toujours eu un décalage entre le discours officiel de l’UPA, revendicateur et agressif, et l’appui que j’ai trouvé sur le terrain, auprès des agriculteurs de la base. Je sais que lorsque nous avons été défaits en 1985, les etablishments syndical et coopératif agricoles ont été soulagés : ils pourraient enfin reprendre l’ascendant sur les troupes et faire passer des orientations que j’avais toujours combattues, comme l’accès des intégrateurs et des agriculteurs intégrés à l’Assurance stabilisation des revenus.
Ce choix a été une erreur majeure. Je me fiche que l’UPA et le mouvement coopératif agricole ne m’aient pas élevé une statue, mais en ne défendant pas l’héritage d’un gouvernement qui en avait tant fait pour le monde agricole, ils ont envoyé un message terrible : on aime autant que vous en fassiez moins, pour peu que vous nous laissiez le contrôle.