Comme nous l’écrivions dans le livre que j’ai coécrit avec Simon Bégin et Yan Turmine, publié en 2016, coédité par La Vie agricole et VLB Éditeur, «Une crise agricole au Québec, vers la fin des fermes laitières traditionnelles ?», la filière lait est très importante au Québec : « À elle seule, la filière lait ( …) injecte quelque 6 milliards de dollars dans l’économie québécoise avec ses 5800 fermes, ses 110 usines de transformation et ses 82 600 emplois direct, indirects et induits répartis dans toutes les régions du pays.»
Nous expliquions aussi : « Personne ne croit que la fin de la gestion de l’offre ou son affaiblissement significatif ramènerait l’agriculture québécoise là où elle était en 1975, tant le secteur a progressé depuis ce temps. Nous ne sommes tout simplement plus sur la même planète : le niveau d’instruction de la nouvelle génération n’a rien de comparable avec celui de leurs grands-parents, l’information a pénétré depuis longtemps dans les étables, la qualité et les rendements ont explosé, de même que la valeur des terres, pour ne mentionner que quelques éléments de cette nouvelle réalité agricole.»
Nous y rappelions aussi en page 44 ce que prédisait alors une étude publiée en 2015 par Agropur et réalisée par le Boston Consulting Group, un cabinet américain de réputation internationale : un scénario catastrophique en perspective !
«Le scénario étudié est celui du pire, c’est-à-dire la fin brutale de la gestion de l’offre avec une ouverture totale des frontières aux produits laitiers américains, sans période de transition ni mesure compensatoire (…) La lecture de l’étude en question est toujours pertinente. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle donne froid dans le dos, car elle confirme que, sans la gestion de l’offre ou avec une gestion de l’offre de façade, les forces du marché ne feraient qu’une bouchée de la ferme laitière moyenne du Québec et du modèle rural qui vient avec.»
Nous évoquions une crainte évidente si le gouvernement et le syndicat se refusaient de faire un débat ouvert sur l’avenir du monde du lait : « ( …) On peut légitimement craindre que le sort de notre industrie porcine préfigure celui qui guetterait une production laitière privée d’une gestion de l’offre efficace», engloutie donc par l’intégration.
L’Institut Jean-Garon qui depuis 2016 mène plusieurs débats qui touchent à l’avenir de l’agriculture laisse présager un débat spécifique sur l’avenir du monde du lait. Tous les acteurs, producteurs, consommateurs, décideurs devraient prendre part au débat.
D’autres s’intéressent aussi à ce sujet. Dans ce numéro d’octobre de La Vie agricole vous retrouvez en page 3, un document de réflexion qui pourra alimenter les discussions des prochains mois : il s’agit d’une feuille de route pour moderniser la gestion de l’offre. Celle-ci est signée par trois chercheurs des universités de Dalhousie et de Guelph : Sylvain Charlebois, Jean-Luc Lemieux et Simon Simogyi
Cette démarche a le mérite de mettre sur la table des propositions qui devront être évaluées pour éviter de patauger dans le statu quo de la gestion de l’offre jusqu’à ce que son abolition ne soit imposée par des intervenants extérieurs au cours des prochains traités internationaux qui se signeront.