La vraie question autour de l’utilisation de l’huile de palme : qui prend la décision ? La question se pose depuis des semaines ! La ministre de l’Agriculture au Canada nous a dit que la problématique était dans la cour du provincial, le ministre de l’Agriculture du Québec répondait encore il y a quelques jours par l’intermédiaire d’un relationniste du MAPAQ !
Personne n’a osé prendre en public le leadership. Il a fallu que la vague enfle, mais même après la réaction soudaine de l’association des transformateurs laitiers du Canada (ATLC), du Conseil industriel laitier (CILQ) qui demandaient la fin de l’utilisation de l’huile de palme dans la nutrition des vaches, Les Producteurs de lait du Canada (PLC) et Les Producteurs de lait du Québec (PLQ) envoyaient encore des communiqués dans les salles de rédaction pour dire qu’il n’y avait pas de problème à l’utilisation de l’huile de palme ou plus exactement de ses résidus.
Et aujourd’hui dans cette cacophonie PLC et PLQ se targuent de vouloir stopper la nutrition des vaches laitières avec l’huile de palme. Le week-end aura été productif au sein des fédérations dirait-on !
Mais au lieu de réagir en panique, en situation de crise et pour le bien des producteurs de lait, il aurait fallu que les vrais dossiers soient discutés. Malheureusement lorsque le livre : La crise agricole au Québec, la fin des fermes laitières traditionnelles, (que j’ai cosigné en 2016 avec Yan Turmine et Simon Bégin) est sorti, tout le monde disait qu’il n’y avait pas de problème.
Personne ne voulait voir la problématique du lait diafiltré et l’importation des ingrédients laitiers. Et si l’huile de palme qui crée du gras était liée à cette problématique de lait appauvri que l’on importe ?
En décembre dernier le ministre Lamontagne disait à LVATV que dans le secteur du lait ‘’ tout est sous contrôle’’ !
Pourquoi tant de décideurs ne voient pas ou ne veulent pas voir ? Et pourquoi dans une telle crise en agriculture, on ne sait pas où est ”Marcel” se demandent plusieurs internautes sur les réseaux sociaux ?
Il y a eu des égarements de part et d’autre dans cette folie palmitique, mais on doit reconnaitre une chose : le ButterGate a mis le doigt sur le bobo qui n’est peut-être pas celui de l’huile de palme (qui comme le dit dans sa lettre d’opinion sur notre site Frédéric Jacob, producteur laitier écoeuré de toujours subir les crises citadines des uns et des autres), puisqu’elle n’est qu’une part minime de la nutrition des vaches et pas toutes.
As-tu pris ta palmite mon Laurent ?
La crise réside plutôt dans le non-dialogue permanent du secteur du lait : car il y a sur le fonds un problème éthique à utiliser un produit du bout du monde dans un produit classifié parmi les plus purs et les plus sains au Canada. Il est difficile de croire que les communicants des fédérations et du syndicat ont échappé le sujet des acides palmitiques lorsqu’ils ont engagé Laurent Duvernay-Tardif qui en plus se fait demander dans la publicité du lait s’il prend des ”hormones ajoutés” : j’imagine bien la suite « as-tu pris ta palmite ?» !
La fin de l’utilisation de l’huile de palme c’est bien, car c’est au final plus de fourrages et de pâturages, mais on le savait avant la crise alors pourquoi ?
Et si l’intention est bonne, qui peut vraiment mettre fin à cette pratique ?
La problématique de l’huile de palme n’est pas d’ordre sanitaire, seulement éthique en raison de la déforestation et idéologique puisque cela correspond à un souhait de consommateurs sensibilisés aux problèmes environnementaux.
Et rappelons-le, l’huile de palme est autorisée par Santé Canada.
Alors oui ce n’est pas du registre ni de la ministre Bibeau, ni du ministre Lamontagne, les deux peuvent s’en laver publiquement les mains, mais mon petit doigt me dit que ça a dû brasser fort en coulisse lorsqu’ils ont parlé aux présidents des fédérations du lait !
Au final comment empêcher des vaches de manger des résidus d’huile de palme lorsque l’agroalimentaire en introduit partout dans nos biscuits et tant d’autres produits transformés ? Il suffit de l’imposer et les fédérations sous la menace des consommateurs semblent s’y résoudre.
Santé Canada irait-elle jusqu’à bannir la consommation de l’huile de palme de manière unilatérale. Personne n’y croit ! Alors peut-être que les vaches seront épargnées, mais nous continuerons fort probablement d’en ingurgiter dans bien d’autres produits que le lait.
On nous promet une petite vache bleue plus propre et plus sûre. Ça tombe bien, le mandat des producteurs est de faire un produit sain. Le Québec et le Canada pourront-ils continuer de promouvoir un lait mélangé dans les citernes de ramassage ou en 2021 les consommateurs demanderont-ils un lait plus spécifique, plus régional, mieux tracé ? Il y a encore tant d’échanges à avoir dans le secteur du lait et de discussions à animer entre producteurs, transformateurs et consommateurs, mais pour cela il faudra que quelqu’un prenne le leadership.
L’Institut Jean-Garon a donné ses intentions pour une réflexion dans le secteur laitier, souhaitons-lui bon courage !