Parler de «génocide» de l’industrie bovine peut paraître exagéré lorsque l’on sait qu’un génocide est la destruction méthodique d’un groupe humain, mais cette analogie est un message fort que lance l’agronome Jean Ouellet. Lui qui depuis 40 ans est aux côtés des producteurs de bovins n’accepte pas que cette industrie soit laissée à l’abandon : «On assiste à un génocide de l’industrie bovine», nous a-t-il confié lors de son passage à nos bureaux.
«Dans le bœuf ça baisse tout le temps : on vit une baisse de 70 % de la production de bouvillons depuis 2008», dit-il.
Selon des sources obtenues auprès Producteurs de bovins du Québec, alors qu’il y avait 214 600 têtes de bouvillons mis en marché en 2008, il n’en restait que 77 509 en 2021 et selon les dires même de la fédération bovine dans un courriel dont La Vie agricole a obtenu copie on estime que le cheptel de bouvillons mis en marché en 2022 sera environ de 65000 soit une baisse de 15 % de plus en un an.
Où en est l’autosuffisance alimentaire dans le secteur bovin?
C’est scandaleux selon Jean Ouellet de laisser aller ainsi toute une industrie dans une période où le message de l’autosuffisance alimentaire est sur toutes les lèvres des politiciens alors que nous ne sommes autosuffisants qu’à 20 % dans le secteur bovin. Plus précisément autosuffisant à 25 % selon Statistique Canada et 18 % selon le MAPAQ!
Les abattoirs, un éternel problème
On le sait le Québec est en déficit d’abattoirs et les vieilles histoires des abattoirs Billette et Colbex n’y sont sûrement pas pour rien. Il y a au moins deux ou trois abattoirs existants qui s’efforcent de répondre aux besoins de dire Jean Ouellet citant les abattoirs Richelieu et Fontaine entre autres, mais il n’y a pas réellement de politique d’abattage structurée, soutient-il.
Où sont les décideurs syndicaux et politiques dans ce dossier ? Où est l’UPA ? Où est le MAPAQ ?
Un fait est évident et incontestable: l’industrie bovine disparait!
Du bœuf du bout du monde
Même si Bœuf Québec est un bon coup marketing, Jean Ouellet l’assure cela ne donne pas un sou de plus dans les poches des producteurs qui doivent trouver d’autres avenues pour financer leurs fermes que ce soit la production de grains ou même le déneigement !
Tout ça ne fait pas une industrie bovine d’avenir.
Pourtant le consommateur mange encore du bœuf, mais, sait-il seulement que 80 % du bœuf qu’il achète au Québec provient des États-Unis ou de l’Argentine?
L’Ontario, un modèle à observer pour des solutions
L’Ontario a le mérite d’avoir une meilleure structure d’abattoirs, qui de plus sont proches des sites de production. Les animaux ne font donc pas comme le cheptel québécois des dizaines d’heures de transport pour aller à l’abattage. Les conditions des élevages du Québec pourraient être questionnables au regard du bien-être animal lorsque l’on sait qu’un bœuf fait tant de kilomètres pour se rendre à sa destination finale. Le producteur est par ailleurs perdant puisque la viande est composée de 60 % d’eau : la perte de poids pour les bœufs au cours des transports est importante et cela se ressent sur le prix payé au producteur.
L’Ontario fait mieux en termes d’abattage, a des intrants plus proches des sites de production qui sont donc moins chers et la province de l’Ontario a opté pour un soutien plus adapté à la production.
«Au Québec ce sont les revenus globaux de la ferme qui comptent alors si un producteur fait de l’argent dans d’autres domaines que celui du bœuf, il ne sera pas soutenu. De quoi l’encourager à faire encore moins de production bovine», de dire Jean Ouellet. Un cercle vicieux se dessine depuis des années soutient Jean Ouellet et personne n’agit.
Cela prendrait au bas mot, selon lui, 150 $ d’aide par bœuf par année, et cela sur 5 ans soit 10 millions de dollars par année. « Ce n’est pas si cher pour sauver une partie de notre agriculture au Québec, c’est l’équivalent de 10 kilomètres de route» dit-il.
Des consommateurs mal informés
Les politiciens évitent bien souvent de parler de l’industrie bovine et c’est à se demander si les lobbys écolos et végans ne les effraient pas un peu trop?
Et pourtant un bouvillon c’est un ruminant : il mange de l’herbe la moitié de sa vie, il occupe le territoire.
Comme le dit si bien Jean Ouellet : «Les vaches au pré sont carboneutres».
Un message que l’on n’entend pas assez souvent selon lui.
«Avec les animaux, il y a un cycle, les animaux bien gérés ça ne pollue pas c’est dans le transport qu’on pollue» de préciser Jean Ouellet.
«En plus on nourrit bien le bœuf au Québec, il mange des produits dérivés de l’alimentation humaine comme par exemple des pommes de terre déclassées, les plures de pomme, les dreches d’ethanol. On leur donne aussi les restant de la fermentation du gin ou de la bière. L’industrie bovine et saine et a son utilité. Il serait temps que l’on s’en occupe», dit-il.
Good jean